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BE 2024 - Synthèse

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En 2024, la consommation électrique a cessé de diminuer et enregistre une légère hausse, tout en demeurant très inférieure à celle de la période d’avant-crise

En 2024, la consommation d’électricité française (corrigée des aléas météorologiques) s’est établie à 449,2 TWh.

Ce niveau marque une très légère hausse (+3 TWh, soit +0,7 %1) par rapport à l’année 2023 et une rupture avec la tendance à la baisse observée au cours des dernières années, sous l’effet d’un contexte macroéconomique légèrement plus favorable.

Il demeure toutefois très inférieur à celui observé au cours des années 2010 (de l’ordre de -30 TWh, soit -6 %, par rapport à la moyenne de la consommation au cours de la période 2014-2019). Ces niveaux faibles résultent de l’effet combiné de l’augmentation des prix de l’électricité et des actions de sobriété durant la crise énergétique (qui produisent des effets pérennes) ainsi que des progrès continus en matière d’efficacité énergétique intervenus au cours de la dernière décennie.

En 2024, la consommation agrégée des grandes industries et consommateurs tertiaires raccordés au réseau à haute et très haute tension de RTE a cru de +2,4 % par rapport à l’année 2023, alors qu’elle diminuait depuis deux ans.

Elle demeure toutefois, comme la consommation globale du pays, très en retrait par rapport à ses niveaux historiques : -12,7 % par rapport à la moyenne de la période 2014-2019 (et -8,2 % par rapport à son niveau de 2021).

De façon inédite depuis dix ans, la production décarbonée – particulièrement abondante en 2024 – a ainsi suffi à elle-seule à couvrir la consommation à 99,5 %.

Le faible niveau des pointes de consommation (l’un des plus faibles depuis dix ans) a conduit à une moindre sollicitation des centrales thermiques durant les périodes de pointe. En 2024, la production éolienne a par exemple davantage contribué à couvrir la consommation durant les périodes de forte consommation (production moyenne de 6,3 GW, soit 9 % de la consommation) que la production thermique.

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Ces valeurs intègrent les volumes d’électricité autoconsommée en France.

Consommation corrigée des aléas météorologiques et des effets calendaires entre 2000 et 2024
Données bilans électriques RTE
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Évolution mensuelle de la consommation des grands consommateurs d’électricité raccordés au réseau de RTE, entre 2020 et 2024
Données bilans électriques RTE
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La production française a continué de croitre en 2024, en atteignant un niveau inédit de décarbonation

En 2024, la France a retrouvé des niveaux importants de production d’électricité et battu plusieurs records.

Sa production d’électricité atteint son plus haut niveau depuis 5 ans (539,0 TWh). Elle retrouve ainsi un niveau supérieur à celui de 2019 et conforme à la moyenne 2014-2019 (537,5 TWh).

Cette performance découle de trois facteurs :

  1. le redressement rapide de la production nucléaire (361,7 TWh), après un niveau historiquement faible en 2022 (279,0 TWh) et une reprise progressive en 2023 ;
  2. une production hydraulique exceptionnelle, au plus haut depuis 2013 (75,1 TWh)
  3. la croissance soutenue de la production éolienne et solaire (71,6 TWh en 2024, contre 45,8 TWh en 2019).

La production renouvelable a atteint un record de 150,0 TWh, soit 27,8 % de la production totale.
La production d’électricité d’origine fossile a connu son niveau le plus faible depuis le début des années 1950 (20,0 TWh), soit un niveau inférieur – pour la première fois – à la production solaire (24,8 TWh). Les centrales à gaz ont été très peu sollicitées (production de 17,4 TWh en 2024, contre 29,2 TWh en 2023) et la production des centrales à charbon (0,7 TWh) et au fioul (1,8 TWh) est restée très faible.

La production bas-carbone (nucléaire et renouvelable) a atteint pour la première fois le seuil de 95 % de l’électricité produite en France. La croissance de la production renouvelable se fait dans une logique essentiellement additive par rapport à la production nucléaire : elles contribuent conjointement à la décarbonation de la production d’électricité française et européenne et à l’accroissement des exports français vers les pays voisins, qui se sont établis au niveau record de 89 TWh.

En se substituant à des productions thermiques fossiles à l’étranger, les exports français ont permis d’éviter l’émission de 19,8 millions de tonnes de CO2 dans les autres pays européens.

L’intensité carbone de la production d’électricité française a été de 21,7 gCO2eq/kWh, près d’un tiers de moins qu’en 2023. Il s’agit de l’une des plus basses au monde.

Ces performances confirment l’atout que constitue le système électrique français pour la décarbonation de l’économie française au sens large en France (qui dépend encore à près de 60 % d’énergies fossiles et importées) et sa réindustrialisation.

Production totale d’électricité en France en 2024 et répartition par filière
Données bilans électriques RTE
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Évolution de la production nucléaire en France entre 1995 et 2024
Données bilans électriques RTE
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Évolution de la production électrique éolienne (terrestre et en mer) et solaire entre 2000 et 2024, et part de ces filières dans le mix électrique
Données bilans électriques RTE
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En 2024, le parc électrique français a connu une croissance historique de ses capacités de production avec la mise en service de nouveaux parcs éoliens en mer et un développement record des installations photovoltaïques

Le parc de production a atteint 155,5 GW de capacités installées à fin décembre, soit une augmentation de 6,7 GW par rapport à 2023 : ces proportions sont du même ordre que la croissance du parc français durant la construction du parc nucléaire au début des années 1980. Cette valeur ne prend pas en compte le nouveau réacteur nucléaire de la centrale de Flamanville (d’une puissance de 1,6 GW), qui a été couplé au réseau le 21 décembre 2024. En effet, sa mise en service est prévue courant 2025, ce qui portera le parc nucléaire à 63 GW.

Les parcs de production thermique fossile et hydraulique n’ont pas connu d’évolution particulière en 2024.

La filière photovoltaïque est celle dont les capacités ont connu le plus fort développement en France en 2024, avec une progression de 5 GW, un record pour la deuxième année consécutive (3,3 GW en 2023). Ceci conforte la nouvelle dynamique de développement de la filière amorcée en 2021 (rythme moyen de près de 3,4 GW/an).

Ainsi, la puissance des capacités installées photovoltaïques en France (24,3 GW) surpasse désormais celle des installations éoliennes terrestres (22,9 GW), qui ont crû légèrement moins rapidement pour la seconde année consécutive (+1,1 GW en 2024). Concernant l’éolien en mer, les parcs de Fécamp et de Saint-Brieuc (près de 500 MW chacun), dont les premières éoliennes ont commencé à produire en 2023, ont été complétés en 2024. Avec le parc de Saint-Nazaire (480 MW), mis en service en 2022, ils portent à près de 1,5 GW la puissance installée de la filière. L’année 2025 devrait voir la mise en service des parcs éoliens de Courseulles-sur-Mer (450 MW), et ceux des îles d’Yeu et de Noirmoutier (488 MW).

Les dynamiques de développement des filières photovoltaïque et éolienne terrestre sont cohérentes avec les volumes appelés dans le cadre des appels d’offres mise en oeuvre par la CRE. En particulier, sur la période 2021-2023, ces volumes ont été plus importants pour la filière photovoltaïque (7,5 GW cumulés sur la période) que pour la filière éolienne terrestre (5,3 GW cumulés).

Parc de production d’électricité en France à fin 2024 et répartition par filière
Données bilans électriques RTE
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Évolution du parc photovoltaïque français
Données bilans électriques RTE
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Évolution du parc éolien français
Données bilans électriques RTE
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Les prix spot de l’électricité en France ont retrouvé en 2024 des niveaux proches de l’historique d’avant-crise, confirmant la baisse initiée en 2023

En 2024, les prix sur les marchés de gros ont poursuivi leur recul depuis la crise énergétique de 2022 :

  • le prix spot moyen annuel français a été de 58 €/MWh (contre 97 €/MWh en 2023 et 276 €/MWh en 2022). Il a ainsi retrouvé un niveau similaire à ceux observés avant les crises sanitaire et énergétique mais présente une plus grande volatilité, avec une augmentation des épisodes de prix faibles ou négatifs (voir ci-contre) ;
  • les prix à terme français ont également baissé de manière significative en 2024, dans le prolongement des prix à terme du gaz, mais restent plus élevés qu’en 2019.

Cette décrue découle principalement de l’abondance de la production d’électricité bas carbone à faible coût (en France et en Europe), combinée à une consommation toujours en retrait par rapport à l’avant-crise sanitaire et énergétique, et au recul des prix du gaz.

En 2024, les prix à terme français sont demeurés inférieurs à ceux de tous les pays voisins, à l’exception des pays de la péninsule ibérique, faiblement interconnectés et disposant d’une production majoritairement renouvelable.

Les prix spot ont connu une baisse généralisée en Europe, et notamment dans les pays disposant d’une production largement décarbonée (par exemple en France ou en Espagne où la part décarbonée a dépassé 75 %). Pour la première fois depuis 2011, le prix spot moyen a été plus faible en France qu’en Allemagne.

Le prix spot français s’est établi en-dessous des coûts variables des centrales thermiques durant 71 % du temps. Il s’agit d’une évolution majeure par rapport à 2023 (où ce taux était de 48 %) principalement due à l’augmentation de la production décarbonée. Cette situation pourrait toutefois évoluer dans les années à venir en cas d’augmentation de la consommation.

Moyenne annuelle des prix spot horaires pour plusieurs pays européens au cours de la période 2018-2024
Données bilans électriques RTE
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Focus sur les prix négatifs

Dans un système électrique dans lequel la part des renouvelables croît, l’augmentation des prix négatifs est un phénomène attendu, en particulier si la consommation électrique demeure faible.

De fait, deux fois plus de prix spot négatifs qu’en 2023 ont été enregistrés en 2024. Ils n’ont représenté que 359 heures, soit 4 % du temps. Lorsqu’ils sont survenus, ces prix sont la plupart du temps demeurés proches de zéro, sans s’établir à des valeurs très basses, et se sont souvent succédé pendant plusieurs heures la nuit ou l’après-midi durant les week-ends au printemps et à l’été.

Répartition horaire, par mois, des prix spot négatifs en France au cours de la période 2002-2024

 

Les leviers pour réduire l’apparition de ces prix négatifs sont bien identifiés :

  1. le développement des flexibilités de consommation et du stockage, en positionnant certains postes de consommation comme la recharge des véhicules électriques ou le déclenchement des chauffe-eaux en milieu de journée – ce type de flexibilités requiert un modèle économique spécifique, permettant aux consommateurs de tirer partie de leur flexibilité (effacements explicites, offres de fourniture heures pleines/heures creuses, etc.) ;
  2. la flexibilité du parc du production, qui repose majoritairement sur la modulation du parc nucléaire et hydraulique, mais à laquelle pourront participer de manière croissante les renouvelables, sous réserve que le cadre législatif et réglementaire génère les incitations adéquates.

En 2024, la France a enregistré le solde exportateur net le plus élevé de son histoire

Vue d'ensemble des échanges

En 2024, la France a enregistré un double record du point de vue des échanges d’électricité : d’une part, ses exportations brutes d’électricité n’ont jamais été aussi élevées (101,3 TWh) ; d’autre part, le solde net de ses échanges a dépassé le record historique de 2002 (76 TWh) pour s’établir à 89 TWh.

Ces records interviennent deux ans seulement après l’année 2022, durant laquelle le pays avait été importateur net pour la première fois depuis 1980.

Ils résultent de l’effet conjugué d’une consommation qui demeure faible, et du rétablissement de la production française (redressement de la production nucléaire après la crise énergétique, production hydraulique exceptionnelle et développement continu des renouvelables).

En 2024, la France a ainsi largement exporté vers toutes les frontières : Allemagne-Belgique (+27,2 TWh), Italie (+22,3 TWh) Royaume-Uni (+20,1 TWh), Suisse (+16,7 TWh), dans une moindre mesure Espagne (+2,8 TWh).

Des niveaux très élevés d’exports ont ainsi été enregistrés chaque mois, avec de légères variations saisonnières (solde mensuel moyen de 6,3 TWh de janvier à fin avril et en décembre, et de 8,2 TWh entre mai et novembre, à la faveur de la moindre consommation durant l’été). Les exports ont été plus élevés durant les jours ouvrés et en soirée et la nuit (la production solaire dans les pays voisins réduisant leurs besoins d’imports durant la journée).

L’ampleur de ces volumes traduit la compétitivité du parc de production français à l’échelle européenne. Du fait de ses faibles coûts variables, la production française est mobilisée avant les centrales thermiques. De fait, elle a été exportée dans une très large fourchette de prix, que les prix soient élevés ou bas, avec des conséquences économiques très favorables pour le pays.

La France dispose ainsi d’une électricité bas-carbone abondante pouvant être mobilisée pour décarboner son économie ou limiter l’utilisation du charbon et du gaz dans la production d’électricité européenne, avec une grande efficacité climatique et économique.

Échanges d’électricité entre la France et ses voisins entre 1953 et 2024
Données bilans électriques RTE
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Échanges commerciaux d’électricité entre la France et les pays voisins en 2024
Données bilans électriques RTE
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Analyse détaillée des dynamiques d’exportation et importation

En 2024, la France a été exportatrice nette durant 98 % du temps, et a totalisé 101,3 TWh d’exportations vers tous ses voisins (contre 12,3 TWh importés principalement depuis l’Espagne, l’Allemagne et la Belgique). Elle a été exportatrice sur l’ensemble de ses frontières durant un tiers du temps.

Sur le plan géographique, 97 % des importations depuis l’une des frontières du pays ont été simultanément réexportées vers une autre ou plusieurs autres frontières : il s’agit de flux traversants. Du fait de sa position de « carrefour électrique » entre ses voisins et de ses nombreuses interconnexions, la France assure aussi un rôle de pays de transit, qui est voué à se prolonger.

L’année 2024 a constitué une nouvelle illustration de la modification des flux, déjà visible depuis le début des années 2020. Si, entre 2001 et 2020, les flux traversants formaient principalement une boucle reliant l’Allemagne à l’Italie et la Suisse, un nouveau régime de flux provenant de la péninsule ibérique et à destination du reste de l’Europe s’est développé ces dernières années pour atteindre en 2024 une ampleur comparable.

RTE a analysé les échanges en croisant l’ensemble des flux commerciaux à l’échelle européenne : cette méthode permet de rendre visibles les moments durant lesquels l’électricité ne fait « que » transiter par un pays et d’identifier les pays d’origine, de transit et de destination des flux. L’Espagne, la Belgique et la Suisse jouent en effet également un rôle de plaque de transit vers, respectivement, le Portugal, l’Allemagne et les Pays-Bas, et l’Italie. De fait, l’analyse révèle que le premier pays importateur depuis la France en 2024 a été l’Italie (32 %), suivie de l’Allemagne (18 %), de la Belgique (15 %), du Royaume-Uni et du Portugal.

Sur le plan économique, comme annoncé lors de la présentation des perspectives pour le l’hiver 2024-2025, RTE a analysé en détail les situations d’exportation et les prix de marché correspondants. Cette analyse montre que la France a exporté dans toutes les situations, que les prix de marché soient élevés ou bas, et qu’elle a importé ponctuellement, notamment depuis des zones concernées par des prix négatifs. L’ampleur des volumes d’électricité exportés par la France en 2024 traduit donc la compétitivité de son parc de production à l’échelle européenne. La France n’a pas « bradé » son électricité : le marché européen a offert un débouché à sa production largement excédentaire, compétitive et bas-carbone.

Les conséquences économiques de ces exportations ont été très favorables pour le pays.
En 2024, la valorisation totale des exportations d’électricité françaises a atteint le niveau inédit de 5 milliards d’euros (contre 1 à 3 milliards d’euros/an depuis 2000).

Ce gain lié aux exportations d’électricité dans la facture énergétique de la France demeure toutefois très faible par rapport au coût d’importation des combustibles fossiles pour alimenter les usages non électrifiés : en 2024, les importations de combustibles fossiles ont coûté plus de 64 milliards d’euros.

Évolution des flux traversant le système électrique français au cours des dernières décennies (moyennes au cours de la période considérée)
Données bilans électriques RTE
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Exportations françaises au périmètre élargi en 2024
Données bilans électriques RTE
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Volume exporté par la France en fonction de la gamme de prix spot français en 2024
Données bilans électriques RTE
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Les émissions de gaz à effet de serre du système électrique français ont atteint en 2024 un minimum historique, pour la deuxième année consécutive

En 2024, les émissions directes de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité en France se sont élevées à 11,7 MtCO2eq soit 30 % de moins qu’en 2023, et ont ainsi atteint leur niveau le plus faible depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Ce résultat a été atteint grâce à un taux de décarbonation de la production historiquement élevé (95 %), alors même que la France a exporté des volumes records d’électricité et que la consommation a connu un léger regain. Il résulte d’un ensemble de facteurs : le rétablissement rapide de la production nucléaire après la crise qui avait affecté le parc au cours des années précédentes ; une production hydraulique particulièrement élevée ; une production renouvelable abondante à mesure que le développement du parc se poursuit. En conséquence, les moyens de production thermiques fossiles ont été peu sollicités (voir chapitre Production).

Deux tiers des émissions liées à la production d’électricité sont liés à la production à partir de gaz (7,1 MtCO2eq), suivie par la production d’électricité issue de l’incinération des déchets (2,3 MtCO2eq) et par la production à partir de fioul (1,4 MtCO2eq). Les émissions liées au charbon en France sont aujourd’hui négligeables du fait de la très faible sollicitation de la filière : en 2024, les centrales au charbon ont émis moins de 0,7 MtCO2eq, soit seulement 5 % des émissions liées à la production d’électricité française, et de l’ordre du millième des émissions totales du pays, tous secteurs confondus.

L’intensité carbone moyenne de la production d’électricité française a atteint 21,7 gCO2eq/kWh en 2024, soit le niveau le plus bas de son histoire. Près de la moitié du temps, l’intensité a été même inférieure à 10 gCO2eq/kWh, un niveau lié à des filières essentiellement fatales (cogénérations au gaz, déchets). Enfin, les émissions sont restées contenues même lors des périodes de forte consommation : l’intensité carbone n’a jamais dépassé 70 gCO2eq/kWh.

Même en tenant compte des émissions sur l’ensemble du cycle de vie, le système électrique français reste très performant, avec une intensité de 30,2 gCO2eq/kWh. Les émissions totales sur le cycle de vie liées à la production d’électricité en France atteignent 16,1 MtCO2eq en 2024.

En Europe, seule la Norvège, qui dispose d’abondantes ressources hydrauliques, a enregistré une intensité carbone plus faible que la France en 2024 (6 gCO2eq/kWh pour les émissions directes).

Les exportations d’électricité françaises, qui ont atteint un niveau record en 2024 (89 TWh, voir le chapitre Échanges), ont contribué à éviter des émissions à travers l’Europe, à la hauteur de 19,8 MtCO2eq en 2024, c’est-à-dire davantage que les émissions liées à la production française. Plus d’un tiers des émissions évitées l’ont été en Italie, et un quart en Allemagne. Ce niveau record s’explique en grande partie par l’effet volume : le niveau très important d’exportations a compensé l’effet de la décarbonation progressive de la production ailleurs en Europe (voir le chapitre Europe) – et donc la baisse du différentiel d’intensité carbone entre la France et les autres pays.

Le parc de production français affiche des niveaux de décarbonation particulièrement élevés. L’enjeu pour le pays consiste ainsi à utiliser de façon optimale cette production abondante et décarbonée pour convertir et alimenter des usages recourant aux énergies fossiles.

Émissions directes de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité en France et intensité en émissions de la production d’électricité française entre 1950 et 2024
Données bilans électriques RTE
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Émissions au périmètre cycle de vie de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité en France et intensité de la production d’électricité française entre 2014 et 2024
Données bilans électriques RTE
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Émissions évitées par les exports de la France vers les pays européens au cours de la période 2017-2024
Données bilans électriques RTE
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En Europe, les filières décarbonées remplacent progressivement les filières fossiles

À l’échelle européenne, la consommation et la production d’électricité des 27 pays de l’Union européenne ont marqué une légère hausse en 2024 par rapport à 2023, mettant fin à la tendance baissière observée depuis le début de la crise énergétique :

  • La consommation d’électricité (non corrigée des effets météorologiques et calendaires) a augmenté de 1,2 % en 2024 (après avoir diminué de 3,1 % en 2022 et 3,2 % en 2023), sous l’effet d’un contexte économique légèrement plus favorable et malgré une température moyenne la plus élevée jamais enregistrée (+1,5 °C par rapport à  l’ère préindustrielle), qui a agi dans le sens opposé, freinant la hausse de la consommation en hiver.
  • La production a crû de 2 % en 2024 par rapport à 2023, avec une production à partir de fossiles en forte diminution, au profit de la production des filières bas-carbone.

Partout en Europe, la hausse de la production solaire s’est poursuivie, avec une augmentation de 21 % en 2024 par rapport à 2023, plus significative encore que celle observée en 2023 par rapport à 2022 (18,9 %). Pour la première fois, la production solaire (271 TWh) a dépassé la production à partir de charbon (258 TWh). Ces niveaux historiques résultent de l’accélération du rythme de développement du solaire photovoltaïque dans de nombreux pays (p. ex. Autriche, Pologne, Pays-Bas, Italie) : les capacités installées à travers l’Union européenne s’élèvent fin 2024 à 338 GW (soit +66 GW par rapport à 2023)2.

La production éolienne (484 TWh) a été la deuxième la plus abondante derrière le nucléaire (619 TWh, dont 58 % en France). Elle a été supérieure, comme en 2023, à la production à partir de gaz (411 TWh en 2024). La production hydraulique a augmenté de 11,7 % par rapport à 2023 grâce à des précipitations abondantes. La production nucléaire a augmenté de 4,8 %, du fait notamment de la bonne performance du parc nucléaire français (+41 TWh) qui a largement compensé la moindre production des autres pays de l’Union européenne (-12,4 TWh).

L’année 2024 illustre ainsi la décarbonation rapide de l’ensemble des mix électriques européens sous l’effet du développement des énergies renouvelables, qui remplacent progressivement la production d’origine fossile. Entre 2017 et 2024, l’intensité carbone moyenne de l’électricité produite dans les 27 États membres de l’Union européenne a baissé de 27 %, passant de 457 gCO2/kWh à 334 gCO2/kWh. Sur cette période, les pays présentant les niveaux de réduction les plus marquées sont le Portugal (-89 %) et l’Espagne (-69 %).

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Source : Ember

Evolution de la production d'électricité au sein de l'Union européenne par filière
Données bilans électriques RTE
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Parcs éolien et solaire installés dans une sélection de pays européens, à fin 2024
Données bilans électriques RTE
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Intensité carbone moyenne de la production d’électricité dans les pays de l’Union européenne, au Royaume-Uni, en Norvège et en Suisse
Données bilans électriques RTE
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Focus sur les épisodes de faible production éolienne et solaire

Le développement des énergies renouvelables (solaire et éolien) à travers l’Europe fait souvent craindre, sur le plan de la sécurité d’approvisionnement, l’occurrence de périodes de plusieurs jours consécutifs combinant une production solaire et éolienne faible (appelées « Dunkelflaute » en allemand).

En 2024, la France a rencontré à trois reprises de tels épisodes, dont deux de deux jours et un de quatre jours, durant lesquels les facteurs de charge éolien et solaire ont été inférieurs à leur deuxième décile (en 2023 il n’y avait pas eu d’épisodes de plusieurs jours – voir ci-contre).

L’Allemagne a quant à elle enregistré quatre épisodes de ce type au cours de l’année.

Analyse de la situation de Dunkeflaute en Allemagne lors de la période du 11 au 13 décembre

Le 12 décembre, la production cumulée solaire et éolienne en Allemagne n’a été que de 55 GWh (soit un minimum depuis 2021), contre 570 GWh/jour en moyenne au cours de l’année, avec des conséquences notables sur le fonctionnement du système électrique :

  • le prix spot moyen journalier allemand a atteint ce jour-là son maximum annuel, à 395 €/MWh, du fait de la forte sollicitation de la production à partir de gaz ;
  • l‘Allemagne a importé dans les proportions les plus élevées de l’année (325 GWh), à partir de toutes les frontières, et en particulier de la Suisse (64 GWh), du Danemark (50 GWh), des Pays-Bas (44 GWh) et de la France (37 GWh), en considérant les échanges commerciaux bilatéraux.

L’analyse de RTE, qui permet de suivre les flux commerciaux d’électricité au-delà des voisins directs (« périmètre européen élargi »), fait apparaître que les exportations nettes de la France vers l’Allemagne sur cette période (240 GWh totaux) sont largement supérieures aux exportations bilatérales (103 GWh totaux) : une grande partie du volume exporté de la France vers l’Allemagne a ainsi traversé des pays tiers, notamment la Suisse et la Belgique. De fait, l’analyse atteste que les pays qui ont le plus exporté vers l’Allemagne durant la Dunkelflaute de décembre sont la France (240 GWh), la Norvège (168 GWh), qui a pu mobiliser ses larges stocks hydrauliques, et les Pays-Bas (157 GWh).

En France, la production éolienne est également demeurée faible au cours de la période, ce qui a conduit à une sollicitation accrue de la production nucléaire, des stocks hydrauliques et, dans une moindre mesure, des moyens de production thermiques. Le prix français a augmenté, mais bien moins que le prix allemand, atteignant 173 €/MWh en moyenne journalière le 12 décembre et 177 €/MWh le lendemain (où la production éolienne et solaire française était encore plus faible). Ces conditions n’ont pas empêché la production d’électricité à partir de gaz en France de s’établir en 2024 à son niveau le plus faible depuis 2014.

Ces épisodes de Dunkelflaute ne constituent pas un phénomène nouveau : des épisodes dont la durée est limitée à deux ou trois jours (avec des facteurs de charge éolien et solaire inférieurs à leur deuxième voire premier décile) sont survenus presque tous les ans en Allemagne ces dernières années, et dans une moindre mesure en France.

Ils font partie intégrante des scénarios météorologiques utilisés par RTE pour évaluer la sécurité d’approvisionnement électrique des différents pays au sein de ses analyses saisonnières et à moyen terme.

Échanges nets entre l’Allemagne et les autres pays européens au cours de la période du 11 au 13 décembre 2024
Données bilans électriques RTE
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Nombre d’occurrences d’épisodes de faible production éolienne et solaire en France, par an, en fonction de leur durée
Données bilans électriques RTE
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Nombre d’occurrences d’épisodes de faible production éolienne et solaire en Allemagne, par an, en fonction de la durée
Données bilans électriques RTE
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Au-delà de la réduction des émissions, l’électrification de la consommation énergétique répond à des enjeux de souveraineté et économiques

La consommation d’énergie en France est encore très largement dépendante des
combustibles fossiles, en majorité importés. Ces derniers représentent près de 60 % de la consommation d’énergie finale du pays3, alors que l’électricité ne compte que pour environ 27 %.

L’électrification revêt également un double enjeu économique et de souveraineté. En effet, les importations d’énergies fossiles coûtent chaque année entre 40 et 60 Milliards d’euros à la France (en dehors des situations exceptionnelles) et proviennent en majorité de pays extra-européens. Pour comparaison, en 2024, les exportations record d’électricité ont rapporté à la France 5 milliards d’euros. Ainsi, il y a un fort intérêt à utiliser dès aujourd’hui la production d’électricité française, bas carbone et compétitive, pour réduire nos dépendances aux énergies fossiles. Par ailleurs, les capacités de manufactures des nouvelles technologies de l’énergie ont
toutes, à l’exception du solaire, une composante européenne plus forte que la production de pétrole ou de gaz.

Les produits pétroliers sont majoritairement utilisés dans le secteur des transports, en particulier dans le transport routier. L’électrification de ce dernier est donc le principal levier à activer pour décarboner la consommation énergétique du secteur. La part de marché des voitures tout-électriques neuves a atteint environ 17 % en 2024, pour la deuxième année consécutive, même si les temps de renouvellement du parc font que seulement 2,3 % des voitures en circulation au premier janvier 2024 étaient électriques.

Le gaz est principalement utilisé pour le chauffage des bâtiments résidentiels et tertiaires. Encore 35,8 %4 des logements sont chauffés principalement au gaz. D’une part, pour réduire la dépendance aux fossiles, ces systèmes de chauffage devront progressivement être remplacés par des alternatives décarbonées (comme les pompes à chaleur). D’autre part, la rénovation thermique est un levier important pour réduire la consommation d’énergie de ces secteurs. En 2024, les rénovations d’ampleur et les aides distribuées ont sensiblement augmenté (+20 000 logements, pour atteindre 3,3 Mds€). Dans le neuf, les pompes à chaleur sont désormais le mode de chauffage majoritaire.

Un enjeu pour la décarbonation de l’industrie, dont certains secteurs sont fortement émetteurs de gaz à effet de serre, est l’adaptation du réseau de transport, pour garantir les besoins en alimentation électrique. RTE a déjà reçu de nombreuses demandes de raccordement d’industries, d’électrolyseurs et de datacenters et s’adapte pour assurer le raccordement de chaque acteur dans les meilleures conditions possibles pour la collectivité. Le SDDR, dont les principales orientations ont été dévoilées le 13 février 2025, propose plusieurs stratégies afin de fluidifier ces raccordements.

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57 % en 2023, dernière année pour laquelle les données sont disponibles.

Part des différentes énergies dans la consommation finale
Données bilans électriques RTE
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Production mondiale de gaz et pétrole en 2022 et décomposition des capacités de production des nouvelles technologies de l’énergie dans le monde
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Décomposition de la consommation énergétique française par énergie et par secteur en 2023
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L’augmentation du volume d’énergie renouvelable écrêté renforce l’intérêt de développer dès aujourd’hui la flexibilité de la demande

Le fonctionnement du système électrique nécessite un équilibre à chaque instant entre production et consommation d’électricité. Le maintien de cet équilibre s’est principalement reposé, jusqu’à présent, sur la flexibilité offerte par les moyens de production pilotables (notamment les unités de production nucléaires et thermiques fossiles). La mobilisation d’autres leviers de flexibilité, et notamment de la « flexibilité de la demande », c’est-à-dire l’adaptation du profil de consommation au profil de production, devient de plus en plus nécessaire avec la croissance des volumes d’électricité renouvelable fatale produits.

La flexibilité de la demande n’est pas un concept nouveau : elle existe depuis des dizaines d’années dans le système électrique français, sous la forme des tarifs heures pleines/heures creuses, qui ont permis de déplacer une partie de la consommation des heures diurnes, où elle est plus élevée, vers les heures nocturnes (où elle est généralement faible) grâce à un tarif d’électricité plus attractif pour le consommateur. La flexibilité de la demande peut répondre à des besoins structurels, par exemple pour profiter de l’abondance de production solaire en début d’aprèsmidi (la réforme des heures pleines/heures creuses, qui sera mise en oeuvre entre novembre 2025 et fin 2027, va dans ce sens) ou à des besoins plus dynamiques, notamment en réaction aux incertitudes liées aux conditions météorologiques. L’électrification croissante des usages à
l’avenir (mobilité, chauffage, production d’hydrogène) représente également un levier important de flexibilité pour le système électrique.

Un indicateur utile pour analyser les besoins de flexibilité, en particulier structurels, est la courbe de consommation résiduelle, c’est-à-dire la consommation à laquelle est soustrait le volume de production renouvelable fatale, à chaque instant. La forme de cette courbe évolue : depuis une dizaine d’années, le niveau moyen de la consommation résiduelle a progressivement décru, sous l’effet conjoint de l’augmentation de la production renouvelable et, au cours des quatre dernières années, d’une consommation plus faible. D’autre part, la croissance de la production solaire en milieu de journée accentue le creux de l’après-midi, donnant lieu à une courbe marquée par deux pics (matin et soir) et deux périodes de creux (nuit et après-midi).

L’augmentation des volumes d’énergie renouvelable écrêtés lors des heures à prix spot négatifs renforce l’intérêt de développer dès aujourd’hui la flexibilité de la demande. Le volume d’énergie éolienne et solaire écrêtée en 2024 s’élève à 1,7 TWh (dont 0,9 TWh d’éolien et 0,7 TWh de solaire), contre 0,6 TWh en 2023. La puissance moyenne écrêtée s’est élevée à 4,5 GW lors des heures à prix négatif (contre 3,9 GW en 2023), avec un maximum de 12 GW.

Concernant le stockage, la capacité des batteries lithium-ion a progressé de 216 MW en 2024, portant le parc à un peu plus de 1 GW, alors que la capacité de stockage des STEP reste stable (près de 5 GW).

Déformation de la consommation totale et de la consommation résiduelle au cours d’un jour ouvré « moyen » au fil des années
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Puissances moyennes éolienne et solaire écrêtées et nombre d’occurrences par heure à prix spot négatifs en 2024
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Chiffres clés BE 2024
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