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Bilan électrique 2024

BE 2024 Prix

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Les prix spot de l’électricité en France ont retrouvé en 2024 des niveaux proches de l’historique d’avant-crise, confirmant la baisse initiée en 2023

En 2024, les prix sur les marchés de gros de l’électricité ont poursuivi le recul entamé depuis le pic de la crise énergétique à l’été 2022. Le prix spot moyen annuel français a reculé de 40 % par rapport à celui de 2023, en passant de 97 €/MWh en 2023 à 58 €/MWh en 2024, et a été divisé par 5 par rapport à celui de 2022, qui s’était élevé à 276 €/MWh. En moyenne, le prix spot a donc désormais retrouvé un niveau similaire à ceux observés avant les crises sanitaire et énergétique, grâce à l’amélioration ultérieure des déterminants de l’équilibre offre-demande par rapport à l’année 2023. Pour rappel, cette dernière avait déjà été caractérisée par une rémission de la crise et par l’atteinte d’un nouvel équilibre du point de vue des fondamentaux économiques du système, sans toutefois que les prix retrouvent les niveaux de la fin des années 2010. 

Même si en 2024 les prix spot ont globalement évolué en moyenne dans l’enveloppe des prix constatés entre 2014 et 2019, leur volatilité a augmenté. Notamment, le nombre d’heures comportant un prix spot négatifs a plus que doublé par rapport à l’année précédente (359 heures en 2024 contre 147 en 2023).

Les prix à terme ont également baissé de manière significative en 2024, suivant la tendance des prix à terme du gaz. Le prix français pour une livraison d’électricité l’année suivante a été divisé par deux, passant de 161 €/MWh pour les produits négociés en 2023 à 77 €/MWh pour les produits négociés en 2024. Malgré cette baisse significative, les prix à terme sont restés plus élevés que ceux de la période d’avant-crise, à la différence des prix spot : à titre d’exemple, le prix à terme moyen en 2019 pour livraison en 2020 s’était élevé à 51 €/MWh. Les prix à terme revêtent une importance majeure car ils influencent les prix de l’électricité acquittés par les consommateurs finals. Ils sont notamment utilisés pour la construction des tarifs réglementés de vente et rentrent en général dans l’élaboration de la part des fournisseurs des tarifs proposés aux clients dans le marché libre (voir la partie « Pour mieux comprendre »).

Les principaux facteurs qui expliquent ces tendances, dans la continuité des changements observés en 2023, sont une consommation toujours en retrait par rapport à celle de la période avant les crises sanitaire et énergétique et l’abondance de la production bas carbone à coût faible.

Évolution des prix spot hebdomadaires moyens en France en 2024 et comparaison avec les années précédentes
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Des fondamentaux de marché favorables à une baisse des prix

Les fondamentaux économiques du système électrique continuent leur amélioration par rapport au moment où la crise énergétique a atteint son point culminant, à l’été 2022. 

La consommation d’électricité corrigée des effets climatiques a légèrement augmenté en 2024, après deux années de baisse consécutives , mais demeure plus faible que celle de la période d’avant-crise (voir chapitre Consommation, à paraître). Dans le même temps, le volume de production française bas-carbone a été très élevé, grâce au redressement de la production nucléaire, à une année très favorable pour la production hydraulique, et à la poursuite du développement des parcs éolien et solaire. 

Sur les marchés des combustibles, la tendance baissière entamée en 2023 s’est également poursuivie en 2024. Le prix moyen annuel du gaz spot en France a baissé de 12 % en 2024 par rapport à celui de 2023 en passant de 38,8 €/MWh à 34,2 €/MWh : c’est le prix moyen annuel le plus bas depuis 2020, même s’il reste plus élevé que ceux observés avant-crise (13,6 €/MWh en 2019 à titre d’exemple).

La poursuite de la baisse des prix du gaz sur les marchés de gros s’explique par un contexte favorable, avec une consommation encore relativement faible et l’absence de perturbations majeures en ce qui concerne les approvisionnements gaziers européens. La part des livraisons par gazoduc a représenté 62 % du total des approvisionnements gaziers européens (UE 27) en 2024, une part en repli depuis la crise énergétique, au profit des approvisionnements en GNL1. En ce qui concerne les livraisons par gazoduc, les volumes livrés ont cependant légèrement progressé en 2024 par rapport à ceux de 2023, et ont été fournis à la hauteur de près d’un tiers du volume par la Norvège, qui a conservé son rang de premier fournisseur par gazoduc acquis depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022 par la Russie (en ce qui concerne la France, la Norvège représentait déjà le premier fournisseur de gaz naturel avant 2022). Les approvisionnements européens en gaz russe ont représenté 18 % du total fourni par gazoduc en 2024, contre 51 % en 2021. Ils ont cependant légèrement augmenté en volume entre 2023 et 2024 en dépit des sanctions prises contre la Russie. Les approvisionnements européens en GNL sont restés en 2024 bien plus importants par rapport à la période avant-crise, malgré une baisse des livraisons de 15 % par rapport à celles de 2023. Les Etats-Unis sont restés les principaux fournisseurs de GNL avec 48 % du total des livraisons en 2024. Tout comme les flux par gazoduc, les approvisionnements en GNL russe ont également légèrement augmenté par rapport à l’année précédente, malgré les sanctions, représentant 19 % du total. 

Par ailleurs, en 2024 les stockages européens de gaz ont atteint le taux de remplissage de 90 % dès la fin du mois d’août, soit bien plus tôt que la date limite (1er novembre). Ce niveau minimum requis avant le début de l’hiver pour garantir la sécurité d’approvisionnement européenne avait été instauré en 2022 en réaction à l‘invasion de l’Ukraine. Le remplissage rapide des stockages a été facilité par le fait que ces derniers avaient gardé un niveau de remplissage très élevé (au moins 40 % de leur capacité) au sortir des deux hivers précédents.

Enfin, la consommation gazière est restée en-deçà des niveaux d’avant-crise avec une baisse de 25 %2 entre 2021 et 2024. Cette évolution, résultante notamment du contexte économique pesant sur les ménages et les entreprises, dépasse les objectifs de réduction de la consommation gazière de l’Union européenne (-15%) introduits en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Les températures élevées en Europe, particulièrement pendant les hivers 2022/2023 et 2023/2024, ont également contribué à la réduction des besoins. 

Même si en moyenne les prix du gaz ont baissé en 2024 comparativement à ceux de 2023, la dynamique au cours de l’année a été tendanciellement haussière, en réaction aux inquiétudes nées à la fois des conflits au Moyen-Orient et de l’anticipation du non-renouvellement du contrat de transit du gaz russe via l’Ukraine arrivé à échéance fin 2024. Les prix du gaz en décembre 2024 ont ainsi été supérieurs à ceux de décembre 2023.
 

Évolution des prix spot hebdomadaires moyens du gaz en France en 2024 et comparaison avec les années précédentes
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 Source Bruegel (pour les données sur les approvisionnements gaziers de l’Union européenne).

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Source Eurostat

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Les prix français sur les marchés de gros sont redevenus parmi les plus compétitifs en Europe

Marchés à terme

Les prix à terme de l’électricité ont diminué significativement mais, contrairement aux prix spot, ils sont restés au-dessus des niveaux historiques d’avant-crise. Le prix français pour une livraison l’année suivante est passé de 161 €/MWh pour les produits négociés en 2023 à 77 €/MWh pour les produits négociés en 2024. Le produit français pour une livraison au 1er trimestre de l’année suivante est passé de 229 €/MWh à 97,2 €/MWh.

Ces prix sont au plus bas depuis 2020 (prix des produits 2021 négociés en 2020) mais le fait qu’ils restent relativement élevés par rapport à ceux de la fin des années 2010 montre qu’il existe encore des incertitudes quant à la sortie de la crise énergétique, dans un contexte d’inflation encore élevée et de prix des combustibles fossiles qui n'ont pas retrouvé leurs niveaux d’avant-crise. En effet, l’adaptation des approvisionnements gaziers à la suite de la guerre en Ukraine d’une part, et les objectifs de réductions de gaz à effet de serre d’autre part, ont maintenu respectivement le prix du gaz et celui du CO2, qui influencent l’évolution des prix à terme, à des niveaux plus hauts que ceux qui étaient connus avant 2020. L’amplitude de variation des prix à terme est néanmoins beaucoup plus réduite que celle observée au cours des deux années précédentes. Bien que le marché reste encore relativement volatil car les facteurs géopolitiques regagnent de l’importance avec les conflits au Moyen-Orient, les mouvements observés sont cohérents avec les fondamentaux.

Les prix à terme français ont été inférieurs à ceux de tous les pays voisins, à l’exception de l’ Espagne. Ceci est dû à la production décarbonée abondante en Espagne (56 % renouvelable, 20 % nucléaire en 2024) combinée à la position géographique de la péninsule ibérique, caractérisée par des interconnexions limitées avec les autres pays européens. Notamment, le parc installé éolien et solaire est passé de 34,5 GW totaux en 2019 à 63,1 GW en 2024 réduisant progressivement la dépendance à la production d’origine fossile à coût plus élevé. Le mécanisme dit « ibérique » de plafonnement des prix du gaz pour la production d’électricité, qui avait limité la hausse des prix espagnols en 2022, est sans effet depuis l’année 2023.

En France, les révisions successives à la hausse de la prévision de production nucléaire par EDF au début du mois de septembre 2024 puis au début du mois de décembre3 ont contribué à renforcer la compétitivité des prix à terme vis-à-vis de ceux des voisins. La prime de risque qui avait caractérisé le marché français en 2022 s’était déjà résorbée en 2023, et a totalement disparu en 2024. Pendant toute l’année, les prix pour livraison au 1er trimestre 2025 sont restés dans le bas de l’enveloppe des coûts variables des moyens de production fonctionnant au gaz naturel. Le prix pour livraison sur l’année 2025 s’est même situé très en-dessous de cette enveloppe à partir du printemps, au moment où l’effet de la production renouvelable sur les prix en milieu de journée est devenu particulièrement visible sur le marché spot français. L’effet de la pénétration des renouvelables commence à s’observer sur les produits à terme saisonniers. En effet, pour les prochaines échéances annuelles, en ce qui concerne les produits estivaux, les prix « base » (0h – 24h) sont plus élevés que les prix « pic » (8h – 20h). Cela veut dire que les acteurs de marché s’attendent à des prix plus élevées la nuit que pendant la journée, du fait de la production solaire photovoltaïque abondante en été.
 

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De 315-340 TWh à 340-360 TWh au début du mois de septembre 2024, puis de 340-360 TWh à 358-364 TWh au début du mois de décembre.

Évolution au cours de l’année 2024 des prix à terme pour livraison au premier trimestre 2025, en France, Allemagne et Espagne, et comparaison avec les coûts variables des centrales thermiques à gaz
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Évolution au cours de l’année 2024 des prix à terme pour livraison en 2025, en France, Allemagne et Espagne, et comparaison avec les coûts variables des centrales thermiques à gaz
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Marché spot

Comme évoqué plus haut, le prix spot moyen annuel s’est établi à 58 €/MWh en France en 2024, ce qui a représenté une diminution de 40 % par rapport au prix de 2023 et un retour à des niveaux proches en moyenne de ceux observés à la fin des années 2010. 

La dynamique du début d’année 2024 s’est inscrite dans la tendance globalement baissière entamée en 2023. Les prix moyens mensuels ont ainsi reculé jusqu’à atteindre, au mois de mai, leur niveau le plus bas depuis juin 2020 (affecté par la crise sanitaire), avec 27,2 €/MWh. Les prix ont ensuite suivi une tendance haussière, avec une légère pause au mois de septembre et une accélération à partir du mois de novembre. Les prix des deux derniers mois de l’année se sont ainsi situés bien au-dessus de ceux du reste de l’année. En effet le prix moyen a été multiplié par deux entre la période janvier – octobre (49,5 €/MWh en moyenne, même niveau qu’avant-crise) et la période novembre – décembre (99,3 €/MWh). Cette accélération des prix en fin d’année s’explique par la survenue de plusieurs épisodes où des températures basses ont été accompagnées d’une production renouvelable très réduite, alors que la consommation était soutenue : le recours à la production d’origine fossile a alors été plus important. Les prix des combustibles et des quotas de CO2, déjà hauts en raison du contexte géopolitique, ont encore augmenté en fin d’année en lien avec cette hausse de la demande, contribuant à la hausse des prix de l’électricité.

Les prix spot français se sont situés très fréquemment en-dessous du faisceau des coûts variables des centrales thermiques (71 % du temps). Il s’agit d’une évolution majeure par rapport à l’année 2023, où ce taux avait été de 48 %. Cette situation, principalement due à l’augmentation de la production décarbonée en France, pourrait toutefois évoluer dans les années à venir en cas d’augmentation de la consommation. 
 

Évolution des prix spot horaires français au cours de l’année 2024 et comparaison avec les coûts variables des centrales thermiques
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La baisse des prix s’accompagne d’une augmentation significative de leur volatilité par rapport aux années avant-crise, sous l’effet du développement de la production renouvelable non pilotable : malgré une moyenne annuelle proche des valeurs de 2014-2019, les prix se sont situés seulement 31 % du temps, en 2024, dans l’enveloppe de variation des prix horaires entre 2014 et 2019, contre 21 % du temps en dessous et 48 % du temps au-dessus.  La volatilité4 est l’une des plus élevées observées pendant les 10 dernières années. Elle se situe bien au-dessus des niveaux de 2021, touché par le début de la crise énergétique en fin d’année, et de 2022, pic de la crise. En particulier, la volatilité avait été relativement faible en 2022 du fait de niveaux de prix très élevés tout au long de l’année.

Indice de volatilité historique des prix spot en France par année
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La volatilité historique correspond à l’écart-type par année de la variation journalière des prix spot.

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En Europe, une baisse de prix généralisée, mais moins marquée dans les pays les plus dépendants du gaz

Moyenne annuelle des prix spot horaires pour plusieurs pays européens au cours de la période 2018-2024
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Ailleurs en Europe, les prix ont connu une évolution similaire à celle des prix français avec une baisse constatée dans tous les pays, et des prix spot moyens qui ont pour la plupart atteint les niveaux les plus faibles depuis 2020. L’ampleur du recul est en revanche variable suivant les pays. D’une part, elle a été la moins forte dans les pays pour lesquels la production d’électricité d’origine fossile a représenté au moins le tiers du mix électrique national en 2024. Cela a été le cas pour l’Italie, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Tous ces pays disposent également d’une production renouvelable importante ; toutefois, lorsque ce type de production s’avère insuffisante pour couvrir la consommation, ce sont des moyens de production fossiles, bien plus coûteux, qui sont appelés en complément. En particulier, les coûts variables de ces moyens de production (liés aux coûts des combustibles et au coût des quotas de CO2) restent encore à des niveaux plus élevés que ceux observés avant les crises sanitaire et énergétique, même si une baisse s’est opérée depuis 2023. D’autre part, la diminution des prix par rapport à l’année 2023 a été la plus forte pour les pays voisins de la France pour lesquels la production est majoritairement décarbonée (à plus de 75 %) comme l’Espagne, où le prix moyen a atteint 63 €/MWh, un niveau relativement proche du prix français (58 €/MWh).

Pour la première fois depuis 2011, le prix spot français est devenu plus faible que le prix allemand en moyenne sur l’année. En effet, la baisse des prix en France a été plus significative que celle des prix en Allemagne, qui s’est élevée à 18 % en moyenne par rapport aux prix de l’année précédente. Par ailleurs, l’Allemagne a aussi été caractérisée par une augmentation de la volatilité des prix par rapport aux années précédentes, en lien avec le développement du parc de production renouvelable, la fermeture de la dernière centrale nucléaire (en 2023), et la réduction des capacités de production à partir de charbon. En effet, 7,9 GW5 de capacités de production à partir de charbon ont été retirées du marché entre novembre 2023 et novembre 2024 (passant de 17,5 GW à 9,6 GW) et 3,9 GW de capacités de production à partir de lignite (passant de 18,4 GW à 15,2 GW). L’influence de la production renouvelable, en particulier du solaire, sur les prix allemands a été particulièrement visible en 2024, avec une nette diminution des prix, et la survenue de prix négatifs, dès que la production solaire a dépassé les 20 GW. Par ailleurs, les prix ont connu des hausses importantes lors des pics de consommation du matin et/ou du soir en cas de production renouvelable faible, comme lors de certaines périodes en fin d’année6. Ainsi, le jeudi 12 décembre à 17h le prix horaire allemand a atteint son niveau le plus haut depuis 2006 avec 936,3 €/MWh, après déjà avoir atteint 820 €/MWh le mercredi 6 novembre à 17h également. Hors crise énergétique, ces niveaux de prix étaient jusque-là très rares en Allemagne. Les circonstances de la formation de prix hauts sur ces deux heures sont similaires, avec une production éolienne très faible, 1,3 GW le 12 décembre à 17h et 0,2 GW le 6 novembre à 17h, une production solaire nulle à ces moments-là alors que la consommation était élevée, supérieure à 65 GW, nécessitant un recours plus important à la production fossile allemande et aux importations.
 

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Source Bundesnetzagentur (pour les données d’évolution des capacités charbon et lignite)

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Désignés « Dunkelflaute », il s'agit de périodes prolongées (plusieurs jours) où un épisode de vent faible se combine avec un ensoleillement insuffisant, causant une production éolienne et solaire très basse.

Prix spot horaires en Allemagne en fonction de la production éolienne ou solaire PV en Allemagne en 2024
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Le prix espagnol a baissé de 28 % par rapport à l’année précédente, une réduction presque aussi significative que celle du prix français, ce qui lui a permis de rester très proche du prix français en moyenne annuelle et de retrouver, comme en France, des niveaux comparables à ceux de l’historique d’avant crise. Le prix a même été plus faible en Espagne qu’en France au cours des cinq premiers mois de l’année, avec une inversion à partir de l’été. La réduction des prix espagnols s’explique essentiellement par l’abondance de la production éolienne et dans une moindre mesure celle de la production hydraulique, grâce à des précipitations élevées et à des stocks bien remplis (principalement jusqu’au mois d’avril).  La production éolienne a ainsi été la première source de production en Espagne dans un mix décarboné à 76 % tandis que la production à partir du gaz a représenté 20 % du mix énergétique espagnol en 2024.  Le repli du prix du gaz espagnol a alors également contribué à la baisse du prix spot de l’électricité. Pour rappel, le « mécanisme ibérique » n’a plus d’effet sur les prix de l’électricité en Espagne depuis l’année 2023. Ce mécanisme, mis en place en 2022 à la suite de la crise énergétique, consistait en un plafonnement du prix du gaz utilisé pour la production d’électricité en Espagne. À partir de 2023, le mécanisme n’était plus effectif en raison de la réduction du prix du gaz sur les marchés. En effet, Ces derniers (39 €/MWh en moyenne en 2023) se sont situés largement en-dessous des plafonds définis (56,1 €/MWh à partir d’avril 2023 et 65 €/MWh à partir de décembre 2023). Le mécanisme est arrivé à échéance au 31 décembre 2023.

Distribution des prix spot horaires pour différents pays européens en 2024 (la barre correspondant au prix 0 €/MWh indique le nombre d’heures où le prix était compris entre -2,5 et 2,5 €/MWh, etc.)
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Évolution des prix spot moyens hebdomadaires en France et dans une sélection de pays européens en 2024
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Les occurrences de prix négatifs ont doublé sur le marché spot français

Le nombre d’occurrences de prix spot négatifs a très fortement augmenté en 2024, avec 359 heures au cours de l’année (soit 4 % du temps).  Il s’agit du double des occurrences de l’année précédente (147 heures), ce qui représentait alors déjà un niveau inédit en France. La multiplication des épisodes de prix négatif s’est accélérée au cours des dernières années, sous l’effet de l’augmentation des capacités de production d’électricité d’origine renouvelable, du redressement de la production nucléaire et du maintien de la consommation à un niveau plus faible que celui de la période 2014-2019. 

Le nombre de prix négatifs observés en France est proche de celui des pays voisins européens dont le rythme de développement du parc renouvelable est plus important comparativement à celui de la France. L’Allemagne a compté 457 heures à prix négatif, la Belgique 404 heures et les Pays-Bas 458 heures. Le nombre de prix négatifs le plus élevé a été relevé en Finlande avec 722 occurrences. L’Espagne a quant à elle connu ses premiers prix spot négatifs en 2024 avec 247 occurrences (la réglementation du marché de l’électricité espagnol ne permettait pas la formation de prix négatifs jusqu’en 2020).
 

Nombre d’heures sur l’année où le prix de l’électricité a été négatif dans une sélection de pays européens
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Des prix faiblement négatifs, qui surviennent en général pendant l’après-midi les week-ends

Malgré l’augmentation du nombre d’occurrences, les prix négatifs ont conservé les mêmes caractéristiques qu’auparavant. Les prix négatifs se vérifient le plus souvent sous forme de séquences de plusieurs heures successives, qui se produisent la nuit entre 2h et 7h et l’après-midi entre 11h et 16h, les week-ends, du mois de mars au mois d’août. Pendant l’hiver, des occurrences se vérifient régulièrement fin décembre et début janvier pendant les vacances scolaires, uniquement la nuit. 

Répartition horaire, par mois, des prix spot négatifs en France au cours de la période 2002-2024
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Répartition horaire, par mois, des prix spot négatifs en Allemagne au cours de la période 2002-2024
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Répartition horaire, par mois, des prix spot négatifs aux Pays-Bas au cours de la période 2002-2024
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Répartition mensuelle, par année, des prix spot négatifs en France
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Répartition mensuelle, par année, des prix spot négatifs en Allemagne
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Répartition mensuelle, par année, des prix spot négatifs aux Pays-Bas
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Les prix négatifs sont le plus souvent très faiblement négatifs : les prix compris entre -0,01 €/MWh et -1 €/MWh ont représenté respectivement 61 % et 46 % des occurrences en 2023 et en 2024 en France. La part des prix plus fortement négatifs (entre -5 €/MWh et -30 €/MWh) a néanmoins augmenté en 2024 par rapport à 2023, passant de 20 % à 30 % des occurrences. Le reste des occurrences est constitué par des prix inférieurs à -30 €/MWh. Dans les pays voisins de la France, au moins un tiers des prix négatifs se sont situés dans la fourchette comprise entre -0,01 €/MWh et -1 €/MWh, à l’exception notable de l’Espagne pour laquelle la plupart des prix négatifs se sont situés à ce niveau (89 %). Si l’on regarde les prix nuls, par ailleurs, les marchés spot français et espagnol sont ceux qui ont présenté le plus grand nombre d’occurrences, avec 195 heures à prix nul en France et 537 en Espagne.

Il est intéressant d’analyser la position des échanges d’électricité français pendant les épisodes de prix négatif. En 2024, la position de la France a été exportatrice nette 83 % du temps pendant les heures à prix négatif : sur toutes les frontières, le solde était le plus souvent exportateur, à l’exception de celles avec l’Allemagne et la Belgique sur lesquelles il était au contraire plus fréquemment importateur (71 % du temps pendant les heures à prix négatif). La France a ainsi, environ 15 % du temps, « exporté » ses prix négatifs vers tous ses voisins. Un peu moins de 40 % du temps, elle a « importé » des prix négatifs des frontières à l’est (Allemagne, Belgique), souvent pour les réexporter vers les autres frontières. C’est l’effet des épisodes de très forte production renouvelable en Allemagne mais également dans ses pays voisins (Pays Bas notamment). Le reste du temps, les prix négatifs ont été « importés » depuis l’une des autres frontières (Suisse, Espagne, Grande-Bretagne), à l’exclusion de l’Italie, dont ls règles de marché ne prévoient pas de prix négatifs). Même dans ces cas, ils ont été fréquemment « réexportés ».
 

Distribution des prix spot nuls (inférieurs à 0,5 €/MWh) ou négatifs pour différents pays européens en 2024
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Pourquoi des prix négatifs ?

Les épisodes de prix négatif surviennent en général lors de moments de faible consommation conjugués à une forte production d’énergie renouvelable. Lorsque la production renouvelable dépasse la consommation, les groupes pilotables, notamment les groupes thermiques non flexibles, devraient arrêter leur production. Ils peuvent cependant préférer ne pas l’arrêter, et proposer des offres à prix négatif, c’est-à-dire choisir de payer des acheteurs pendant quelques heures pour qu’ils consomment (ou revendent) ce surplus d’électricité. La raison réside dans le fait que la mise à l’arrêt temporaire d’un groupe thermique peut être coûteuse en raison des contraintes techniques et économiques (coûts de démarrage, minimum technique, durée minimale d’arrêt, etc.). Les consommateurs sont ainsi rémunérés pour consommer une électricité produite en des quantités trop abondantes par rapport aux besoins de consommation à ces instants précis.

Les prix négatifs ne sont pas en soi une anomalie du fonctionnement du marché. En théorie, le prix négatif constitue un signal économique légitime, encourageant les consommateurs à augmenter leur consommation lors des périodes de forte production renouvelable, et les producteurs disposant d’unités pilotables à baisser leur niveau de production. Dans les faits cependant, comme une petite partie seulement de la consommation d’électricité à un moment donné est couverte par des volumes échangés au prix spot (ou dont le prix est indexé sur le prix spot)7, l’effet incitatif de ce signal sur le niveau de consommation est réduit. De plus, une large partie de la production renouvelable n’est pas non plus exposée aux prix de marché, disposant de contrats directs d’achat d’énergie par le mécanisme d’obligation d’achat. Le prix négatif n’agit pas alors en tant qu’incitation à la réduction de ces productions. Les installations en complément de rémunération8, en revanche, sont incitées à ne pas produire en cas de prix négatifs. En effet, le mécanisme ne prévoit aucune rémunération pour la production lors de ces épisodes, mais elle prévoit une compensation si le nombre d’heures d’arrêt cumulé de l’installation sur l’année dépasse un seuil défini par filière.

Notamment, la production éolienne et solaire lors des épisodes de prix négatifs a été généralement inférieure à celle observée pendant les épisodes de prix nuls. Cette différence montre clairement l’effet de l’écrêtement des parcs renouvelables sensibles aux prix (parcs sous complément de rémunération ou exposés au prix de marché), pendant les heures à prix négatifs, dont le volume total au cours de l’année 2024 est estimé à 1,8 TWh (cf chapitre Production, à paraître).
 

Production éolienne et solaire à certains moments de la journée, en fonction du prix de marché
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Le prix de détail payé par les consommateurs est en général différent des prix de gros (voir partie « Les différentes notions de prix de l’électricité »).

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Le complément de rémunération est un dispositif de soutien aux installations de production d’électricité renouvelable (pour les nouveaux contrats, sont concernés l’éolien terrestre, l’hydroélectricité et le biogaz, pour les installations de puissance inférieure à certains seuils).

Dans un système électrique qui voit la part des énergies renouvelables croître, il est attendu que les occurrences de prix négatifs se multiplient, notamment si l’électrification des usages prend du retard et que la consommation électrique tarde à repartir à la hausse. Les moyens qui permettent de traiter ces situations sont bien identifiés :

  • la flexibilité du parc du production : la manœuvrabilité du parc nucléaire français constitue une source de flexibilité essentielle ;
  • l’évolution des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables : le « complément de rémunération » permet de soutenir les filières tout en incitant à la modulation ;
  • le développement des flexibilités de consommation et de stockage. De manière générale, le positionnement de certains postes de consommation (recharge du véhicule électrique ou de chauffe-eau) pourrait avoir lieu durant les périodes de la journée les plus susceptibles de conduire à des prix négatifs, sans effet sur le confort de l’utilisateur et à des conditions économiques extrêmement compétitives pour le consommateur.

Il est également utile dans ce cadre de rappeler l’utilité des échanges aux frontières et de l’intégration des marchés européens : le fonctionnement du marché électrique européen permet une sollicitation optimale des moyens de production offerts, dans la limite des capacités d’échanges entre les différents pays. Les échanges permettent alors de tirer profit de la variabilité des profils de production et de consommation dans les différentes zones de marché en minimisant le coût de production à l’échelle européenne. Ainsi, dans une situation purement théorique dans laquelle les échanges seraient illimités en Europe, le prix serait le même partout (négatif ou pas), et toute la production à l’échelle du continent pourrait être mise en face de toute la consommation de manière optimisée. Dans cette situation hypothétique, l’apparition de prix négatifs ne serait possible que si la production renouvelable non pilotable de l’Europe entière était supérieure à la consommation de l’Europe entière à un instant donné. Or, la production cumulée éolienne et solaire est loin d’atteindre le niveau de consommation européen au périmètre de l’Union européenne, heure par heure. Pendant les trois dernières années, alors que les prix négatifs se sont multipliés, le taux de couverture moyen est passé de 21 % à 26 %, et le taux maximum de 50 % à 61 %. Il s’agit d’un raisonnement purement théorique qui montre néanmoins l’intérêt, pour la gestion du système électrique et pour la minimisation des coûts de production, de pouvoir « mettre en commun » les productions et consommations de pays différents, grâce à un système électrique interconnecté accompagné d’un marché européen de l’électricité intégré.
 

Distribution du taux de couverture de la consommation européenne (UE 27) par la production éolienne et solaire photovoltaïque
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Lecture : plus les formes sont larges, plus le nombre de pas de temps dans l’année caractérisés par le taux affiché sur l’axe des ordonnées est élevé. Par exemple en 2024, il y a eu un grand nombre de pas de temps où le taux de couverture s’est situé entre 15 % et 20 %. Le taux de couverture moyen a été de 26 %, et pendant quelques heures dans l’année les taux les plus élevés ont pu atteindre des valeurs proches de 60 %.

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Les différentes notions de prix de l’électricité (spot, à terme, etc.)

Le « prix de l’électricité » recouvre en pratique différentes notions qui sont souvent confondues. Il est notamment nécessaire de distinguer d’une part le prix de l’électricité sur les marchés de gros, et, d’autre part, le « prix de détail » facturé au consommateur.

La notion de « prix de gros » est elle-même multiple en fonction de l’échéance à laquelle elle se rapporte : il peut s’agir soit du prix spot, correspondant au prix d’un mégawattheure d’électricité pour livraison physique une heure donnée, la veille pour le lendemain (construit sur les marchés journaliers selon le principe de l’ordre de préséance économique illustré ci-dessous) ou quelques heures plus tard (marchés infrajournaliers), soit d’un prix à terme dont l’échéance de livraison est plus éloignée allant de la semaine à l’année.

Les marchés à terme permettent aux producteurs et aux fournisseurs de se couvrir face au « risque prix » du marché journalier, c’est-à-dire contre la volatilité horaire du prix qui s’y forme. Les producteurs, d’une part, et les fournisseurs ou gros consommateurs, d’autre part, y cèdent ou achètent respectivement une large part de leur production et de leur consommation, pour, selon le cas, définir leur marge ou déterminer un tarif pour leurs clients, plusieurs mois, voire plusieurs années en amont (seule une part résiduelle de leur production ou de leur consommation étant cédée ou achetée sur le marché spot).

Les prix à terme (ou prix forward) reflètent ainsi un arbitrage entre la vente ou l’achat d’électricité à l’avance et l’attente du dernier moment pour se couvrir (au moment du marché journalier). Les prix à terme se situent, par conséquent, généralement autour de l’anticipation des prix spot moyens, en intégrant une éventuelle prime de risque qui peut dépendre de l’incertitude et/ou de l’aversion au risque des différents acteurs concernés. En particulier, les primes de risque peuvent atteindre des niveaux très élevés lorsque se produit une crise, traduisant une perception de pénurie ou de tension sur l’offre par les acteurs.

Les prix à terme constituent une des composantes du prix de l’électricité acquitté par les consommateurs finals (ils sont notamment utilisés pour la construction des tarifs réglementés de vente et pour approvisionner les consommateurs n’étant pas éligibles à ces derniers, à l’instar des industriels) aux côtés d’autres composantes. Outre cet approvisionnement sur les marchés à terme, le prix de détail figurant sur la facture d’électricité des consommateurs comporte une part correspondant aux coûts du réseau nécessaire à l’acheminement de l’électricité, une part de taxes, une part liée à des dispositifs de régulation comme l’ARENH et d’autres composantes diverses (coût de commercialisation, mécanisme de capacité, etc.). Ces principes sont communs aux tarifs réglementés de vente et aux offres de marché qui leur font concurrence.

Dans les marchés physiques à court terme (les marchés journaliers – avec livraison pour le lendemain – mais également les marchés infrajournaliers), les conditions météorologiques jouent un rôle important. En revanche, dans les marchés à terme, dont l’échéance de livraison est plus éloignée, les prix sont plus fortement dépendants des perspectives d’évolution à moyen terme des prix du gaz et de la situation en matière d’offre et de demande.
 

Fonctionnement des marchés de gros et de détail de l’électricité
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Pourquoi les prix de l’électricité peuvent-ils dépendre des prix du gaz ?

Le marché de l’électricité européen repose sur le principe selon lequel le prix de l’électricité se fixe à chaque instant au niveau du coût variable de production de la dernière unité appelée pour couvrir la demande électrique. En d’autres termes, pour chaque heure, tout se passe comme si les moyens de production étaient « empilés » par ordre de préséance économique jusqu’à atteindre un volume suffisant pour approvisionner la demande d’électricité : le dernier moyen sollicité dans cet empilement, qualifié de « marginal », détermine alors le prix de l’électricité sur l’heure donnée. En pratique, les acteurs de marché optimisent leurs achats/ventes à l’échelle de leur portefeuille de production et de consommation, et non à l’échelle de chaque unité individuelle, mais le prix tend tout de même à se former autour du prix d’offre de l’unité marginale nécessaire pour satisfaire l’équilibre offre-demande. Ceci assure une allocation économiquement optimale de la production.

Au périmètre européen, ce mécanisme de formation des prix prend en compte l’équilibre entre l’offre et la demande de chaque zone de prix (qui correspond généralement à un pays) ainsi que la capacité d’échange entre ces zones. Il en résulte une optimisation, à l’échelle européenne, de l’utilisation des moyens disponibles à court terme. Le parc thermique fossile étant la plupart du temps nécessaire pour assurer l’équilibre offre-demande à l’échelle européenne (malgré une nette diminution dans le mix de production européen au cours des dernières années), le prix spot horaire se fixe généralement sur le coût variable des moyens de production correspondants. Ainsi, l’évolution du prix de l’électricité est corrélée avec celle des prix des combustibles comme le gaz ainsi qu’avec le prix du CO2. Même si la part du thermique fossile dans la production d’électricité française est faible, elle joue encore un rôle important dans la formation du prix de l’électricité car l’interconnexion avec le reste de la plaque européenne conduit à ce que les prix de l’électricité en France dépendent également de la production thermique fossile située à l’étranger et échangée sur le marché. En 2024 cependant, les prix spot en France se sont souvent situés en dessous des coûts de production des moyens thermiques, reflétant à la fois la décarbonation exceptionnelle du mix français et la décarbonation progressive des mix des autres pays européens.
 

Exemple illustratif de l’ordre de préséance économique et de la formation du prix de l’électricité
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