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Bilan électrique 2024

BE 2024 Échanges

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La séquence 2021-2024 a démontré la capacité du système électrique européen et de son architecture de marché à assurer une utilisation optimale des ressources, ce qui en fait un atout majeur dans le cadre de la transition énergétique du continent

Les systèmes électriques des différents pays européens sont aujourd’hui largement interconnectés. La plupart des pays d’Europe continentale font partie du « système électrique continental synchrone », qui partage à chaque instant la même fréquence électrique de 50 Hz.

Le développement des interconnexions entre les États membres figure de longue date parmi les priorités de la politique énergétique de l’Union européenne. En permettant de tirer parti des complémentarités entre les mix énergétiques nationaux par la mutualisation de capacités de production, les échanges d’électricité sont de nature à bénéficier à la collectivité européenne selon trois axes : le renforcement de la sécurité d’approvisionnement en électricité et de la sécurité d’exploitation des systèmes interconnectés ; la réduction des coûts de production à l’échelle du continent par la sollicitation à chaque instant des moyens de production les moins chers (et les moins carbonés) ; et la faculté, devenue essentielle dans le cadre de la transition énergétique du continent, d’intégrer des volumes plus importants d’énergies décarbonées.

Cette mutualisation permet de tirer profit des différences de profils de consommation entre les pays européens. Les pointes de consommation, par exemple, ne surviennent pas au même moment de la journée ni à la même saison selon les pays (pointes en été dans l’après-midi en Espagne, en soirée en hiver en France, en hiver dans la matinée dans les pays scandinaves). Dans une moindre mesure, la mutualisation permet également de profiter du foisonnement de la production des énergies renouvelables variables.

Le marché européen de l’électricité concourt à minimiser le coût de fonctionnement du système électrique au périmètre européen. Cependant, les niveaux très élevés des prix de l’électricité atteints sur l’année 2022, qui ont exercé de fortes tensions sur les consommateurs, les finances publiques et l’économie en général, ont conduit à l’émergence d’un débat au niveau européen sur le sujet, qui a abouti fin 2023 à un accord sur une réforme de l’organisation des marchés en Europe1. Celle-ci vise à mieux aligner les coûts de production et les  factures payées par les consommateurs d’électricité, tout en maintenant l’efficacité du marché de court terme et en renforçant les incitations à l’investissement dans les nouveaux moyens de production d’électricité nécessaires à la décarbonation. Ainsi, les fondements du marché spot de court-terme ne sont pas modifiés, et l’accent est mis sur le développement des marchés à terme ainsi que sur les règles visant à encourager la passation de contrats à prix garanti publics ou privés entre producteurs et consommateurs.

Le fonctionnement du système électrique à l’échelle européenne constitue aujourd’hui une réalité, qui s’est révélée essentielle lorsque que le système électrique français s’est trouvé en situation de tension sur l’approvisionnement, comme cela a été le cas à l’automne-hiver 2022/2023. Depuis dix ans, le renforcement des interconnexions entre les pays et le développement d’énergies renouvelables variables ont conduit à une augmentation significative des échanges d’électricité entre pays européens, et la France ne fait pas exception. Située à l’intersection de plusieurs péninsules électriques (péninsule ibérique, Italie, Grande-Bretagne) et dotée d’importantes capacités de production installées, la France participe pleinement aux échanges européens. Le mix français, constitué pour l’essentiel de nucléaire, d’hydraulique et d’autres renouvelables, est dans l’ensemble plus compétitif que celui de la plupart de ses voisins. Ainsi, en règle générale et en l’absence de tensions sur l’équilibre offre-demande national, le système électrique est largement exportateur à l’échelle annuelle : les offres des capacités de production nucléaires et renouvelables françaises sont en effet sollicitées sur les marchés avant les unités de production thermiques, y compris celles dans les pays voisins (dans la limite de ce qui est permis par les capacités d’interconnexion).

Il ne serait pas optimal, tant du point de vue technique qu’économique, de dimensionner le parc de production pour couvrir systématiquement et totalement les périodes de forte consommation. Ceci est d’autant plus vrai en France, où la consommation est fortement sensible aux températures (voir le chapitre Consommation). Ainsi, en cas de tension sur l’équilibre offre-demande, même hors situation de crise, il est normal que le pays se trouve ponctuellement en position importatrice. C’est aussi le cas simplement lorsqu’il est moins coûteux d’importer, ce qui se produit sur certaines frontières en cas de forte production renouvelable, notamment avec l’Espagne et l’Allemagne, plus rarement avec la Grande-Bretagne (voir plus loin Analyse par frontière). L’interconnexion de la France aux autres pays européens, et sa pleine intégration aux mécanismes de marché qui régissent les échanges, lui permet ainsi :

  • d’une part, de trouver des débouchés économiques à sa production bas carbone et contribuer à la décarbonation du mix européen ;
  • d’autre part d’assurer sa sécurité d’approvisionnement à un coût bien plus faible que si le pays avait dû compter uniquement sur les moyens de production nationaux à tout instant ;

La séquence observée en France depuis la fin de l’année 2021 permet de poser un diagnostic désormais net : les marchés européens de court terme de l’électricité ont montré leur efficacité, leur réactivité, et leur faculté à reconfigurer rapidement les échanges en fonction des besoins physiques du système en temps de crise, ainsi qu’à orienter de manière économiquement optimale les flux d’électricité, y compris lorsque les fondamentaux sont plus favorables.

Pendant l’année 2022, les flux s’étaient orientés conformément aux besoins physiques du système électrique : le solde des échanges français était devenu importateur au cours de l’année, au moment où la production nationale chutait du fait de l’indisponibilité de nombreux réacteurs nucléaires et d’une production hydroélectrique réduite. En 2023, l’amélioration des fondamentaux de l’équilibre offre-demande en France avait mené à un retournement tout aussi rapide du sens des échanges, permettant à la France de retrouver son rôle de premier exportateur d’électricité en Europe aussi rapidement qu’il avait été perdu. En 2024 encore, la France a pleinement tiré parti de son statut de principal producteur d’Europe, profondément intégré au marché intérieur de l’énergie : le pays a enregistré le solde annuel exportateur le plus élevé de son histoire, deux ans seulement après l’une des crises les plus graves ayant jamais affecté son parc de production.

Le marché européen de court-terme de l’électricité a suscité au cours des dernières années des interrogations légitimes pour ce qui concerne sa faculté à permettre une politique d’électrification massive, soutenable économiquement et socialement. L’une de ces lignes de réflexion concerne l’articulation entre le court et le long-terme, spécifiquement la capacité des prix de court-terme à fournir les signaux nécessaires aux investissements long-terme permettant d’assurer à la fois le développement optimal du parc dans le contexte de la transition énergétique et la sécurité d’approvisionnement. La seconde concerne l’articulation entre les marchés de gros et les marchés de détail, c’est-à-dire la protection des consommateurs face aux chocs affectant les prix de gros, et l’introduction d’instruments permettant de rendre les prix de l’électricité moins dépendants du prix des combustibles fossiles.

Ces réflexions nécessaires ne doivent pas masquer ce résultat essentiel de vingt années d’intégration des systèmes électriques à l’échelle européenne : la France et l’Union européenne disposent, avec le marché intérieur de l’électricité et les infrastructures qui le sous-tendent, d’un outil physiquement et économiquement performant, qui lui permet d’assurer sa sécurité d’approvisionnement au meilleur coût ; face au défi de la transition énergétique, aux tensions croissantes au niveau géopolitique et à la montée des nouveaux protectionnismes, c’est un atout majeur.

En 2024, la France a enregistré le solde exportateur net le plus élevé de son histoire

Le solde net de la France en 2024 s’est élevé à 89,0 TWh dans le sens des exportations. Il s’agit du solde annuel le plus élevé jamais observé ; le précédent record, qui datait de 2002, était de 76 TWh. La France a été exportatrice nette vers tous ses voisins : de manière conséquente vers l’Allemagne et la Belgique (27,2 TWh), l’Italie (22,3 TWh), la Suisse (16,7 TWh) et la Grande-Bretagne (20,1 TWh) ; dans une moindre mesure vers l’Espagne (2,8 TWh).

échanges France LT
Données bilans électriques RTE
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Les facteurs ayant permis un tel volume d’exportations sont multiples. À court-terme, le premier déterminant est le niveau de production domestique, compétitive et bas-carbone (voir le chapitre Production, à paraître) : la poursuite du redressement de la production nucléaire, une production hydraulique abondante, et une contribution de plus en plus importante de l’éolien et du solaire au cours des dernières années. Le second déterminant est la consommation intérieure d’électricité qui, bien qu’ayant arrêté sa dynamique baissière avec une stabilisation du niveau de consommation en 2024, se situe toujours en retrait par rapport aux niveaux d’avant-crise (voir le chapitre Consommation, à paraître).

À plus long-terme, le solde record de l’année 2024 porte également la marque du développement des interconnexions et de l’intégration croissante du marché intérieur de l’électricité. Entre 2002 (année du précédent record) et 2024, fruit de l’intégration européenne, la capacité d’échange entre la France et ses voisins a considérablement augmenté, permettant toujours plus de débouchés pour la production française lorsqu’elle est excédentaire.

À l’échelle mensuelle, la France a conservé une position nettement exportatrice tout au long de l’année 2024, prolongeant ainsi la tendance observée dès la mi-2023. Entre janvier et fin avril, les échanges ont été majoritairement orientés à l’export, dans des proportions habituelles. À partir du mois de mai, en revanche, des niveaux historiquement élevés d’exportations ont été observés. Cette inflexion est le résultat de fondamentaux particulièrement favorables en France : baisse saisonnière de la consommation en sortie d’hiver ; bonne disponibilité nucléaire ; production hydraulique particulièrement abondante ; contribution importante de l’éolien et du solaire. À partir de mi-novembre, période de l’année à laquelle la consommation française remonte, les exportations sont revenues au niveau du premier trimestre : élevées, mais avec des importations ponctuelles, notamment depuis l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Espagne, particulièrement lors des périodes de production éolienne très élevée dans ces pays.

échanges France 2024
Données bilans électriques RTE
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waterfall 2002-2024
Données bilans électriques RTE
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Lorsqu’on compare les flux de 2024 avec ceux du précédent record d’exportation de 2002, on observe une variation de leur distribution géographique. Les frontières sur lesquelles les exportations ont augmenté sont celles avec la Grande-Bretagne, et surtout celle avec l’Allemagne et la Belgique. Sur la frontière britannique, cela est lié en grande partie au fait que la capacité d’échange a presque doublé entre 2002 et 2024, avec la construction de deux nouvelles interconnexions à courant continu. Sur la frontière avec l’Allemagne et la Belgique, en plus du développement des infrastructures, c’est également l’intégration et le renforcement des mécanismes d’échange qui a permis l’augmentation et la fluidification des échanges.

Sur les frontières avec l’Italie et la Suisse, les volumes d’échanges ont été respectivement égaux et inférieurs en 2024 à ce qu’ils avaient été en 2002. Dans le cas de la Suisse, c’est en partie le reflet d’une compétitivité accrue du parc de production suisse (voir plus loin).

Sur la frontière espagnole, enfin, la dynamique d’évolution sur 20 ans est particulière et composite : le développement des interconnexions entre les deux pays a été important, et dans le même temps, le mix espagnol est devenu beaucoup plus compétitif grâce au développement des capacités de production renouvelables. Ainsi, les volumes d’échange ont augmenté fortement, mais se sont aussi largement rééquilibrés, ce qui a conduit, au total à une diminution du solde exportateur net français entre 2024 et 2002 sur cette frontière. 

1

La réforme a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne en juillet 2024. Certains dispositions adoptées par voir de Règlement, sont directement applicables ; d'autres adoptées par voie de Directive, doivent encore être transposées en droit national. Directive (UE) 2024/1711 du Parlement européen et du Conseil du 13 juin 2024, et Règlement (UE) 2024/1747 du Parlement européen du Conseil du 13 juin 2024.

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La France a été exportatrice sur toutes ses frontières

carte 2024
Données bilans électriques RTE
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La France a été exportatrice sur toutes ses frontières : très fortement exportatrice sur les frontières avec l’Allemagne et la Belgique, la Suisse, l’Italie et la Grande-Bretagne ; exportatrice également sur la frontière espagnole mais dans une moindre mesure, du fait d’échanges plus équilibrés.

 

waterfall 2023-2024
Données bilans électriques RTE
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La majeure partie de la croissance des exportations d’électricité de la France entre 2023 et 2024 a été portée par les exportations vers l’Allemagne et la Belgique (+24,8 TWh par rapport à 2023). Dans une moindre mesure, les échanges avec la Grande-Bretagne, l’Espagne et l’Italie ont également contribué à l’augmentation du solde annuel (+13,8 TWh à elles trois par rapport à 2023). Sur la frontière italienne, l’augmentation des exportations est en partie le résultat de l’augmentation des capacités d’échange2. Les exportations vers la Suisse, enfin, ont été très proches de celles observées en 2023.

Espagne

Les consommations d’électricité française et espagnole sont contracycliques à l’échelle annuelle. Ainsi, habituellement, la France exporte des volumes importants vers l’Espagne en été, saison à laquelle la consommation est la plus élevée en Espagne, notamment en raison de l’utilisation de la climatisation. En hiver, la situation a tendance à être légèrement plus équilibrée : la France importe régulièrement depuis l’Espagne lors des pointes de consommation française, mais reste globalement exportatrice nette en volume.

Cependant, sur la frontière espagnole, la dynamique des échanges évolue rapidement depuis quelques années. Jusqu’au milieu des années 2010, la France était globalement exportatrice. Les échanges ont ensuite commencé à s’équilibrer progressivement, pour aboutir, en 2023, à un bilan annuel net proche de l’équilibre. Ce rééquilibrage est essentiellement le résultat de la mutation rapide du mix de production espagnol : entre 2014 et 2024, le parc de production éolien espagnol est passé de 22 GW à près de 32 GW ; le parc de production solaire de 7 à 31 GW (voir le chapitre Europe, à paraître). Il a en outre été facilité par l’intégration croissante des échanges sur cette frontière, ainsi que par le développement important de la capacité, qui a pratiquement doublé avec la mise en service en 2015 de l’interconnexion à courant continu Baixas – Santa Llogaia. En plus de l’augmentation de capacité permise par les nouvelles infrastructures de transport, les mécanismes régissant les échanges sur la frontière franco-espagnole sont de plus en plus coordonnés et flexibles, et les échanges, donc, de plus en plus fluides. Tous ces facteurs – nouvelles infrastructures, intégration des marchés, transformation profonde des mix de production – sont à l’œuvre sur toutes les frontières (à l’exception notable de la Grande-Bretagne en ce qui concerne l’intégration des marchés, voir plus loin), mais ils sont particulièrement marqués pour l’Espagne.

Espagne LT
Données bilans électriques RTE
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En 2024, la France a retrouvé une position exportatrice nette sur l’année vis-à-vis de l’Espagne, avec un solde de +2,8 TWh. 

La dynamique a cependant évolué au cours de l’année : jusqu’au mois d’avril, la France a été importatrice nette depuis l’Espagne en solde mensuel, dans la continuité de la fin de l’année 2023. Cette situation au premier tiers de l’année s’explique principalement par une production éolienne extrêmement élevée dans toute la péninsule ibérique (voir chapitre Europe), dont l’excédent était exporté à pleine capacité vers la France et au-delà. 

À partir du mois de mai, le sens des échanges s’est inversé, sous l’effet de l’augmentation de la consommation en Espagne pour des raisons de saisonnalité et de la baisse de la consommation en France à la fin de la période de chauffage, ainsi que d’une disponibilité nucléaire toujours élevée et d’une production hydraulique extrêmement abondante en France (voir le chapitre Production, à paraître).

ES CT
Données bilans électriques RTE
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La transformation rapide du mix électrique espagnol, sa position particulière de pays péninsulaire et les fréquentes inversions du sens des échanges entre la France et l’Espagne conduisent à s’interroger sur les déterminants des flux d’énergie entre les deux pays. Conformément à l’intuition, le sens des échanges avec la France est régulièrement influencé par le volume de production solaire ibérique sans que cela soit systématique. La production éolienne dans la péninsule a un effet plus déterminant sur l’orientation des flux sur la frontière franco-espagnole, tant en fréquence qu’en volume. Lorsque la production éolienne est élevée en Espagne, celle-ci se trouve très majoritairement en situation d’exportation.

Déterminants ES - éolien
Données bilans électriques RTE
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Déterminants ES - solaire
Données bilans électriques RTE
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Grande-Bretagne

Le système électrique britannique a la particularité d’être d’une part insulaire, et d’autre part asynchrone avec l’ensemble de ses voisins. Cela entraine des contraintes spécifiques et importantes, qui limitent la compétitivité d’ensemble de la production d’électricité britannique. Ainsi, malgré un mix comportant une part rapidement croissante d’énergie décarbonée (essentiellement éolienne, mais aussi nucléaire, et, dans une moindre mesure, solaire, hydraulique et à partir de biomasse), la Grande-Bretagne n’exporte vers la France qu’en situation de tension importante sur l’équilibre offre-demande français. Ce fut par exemple le cas au plus fort de la crise de la production française, à l’été 2022. En dehors de ces périodes, la GrandeBretagne est généralement importatrice nette depuis la France.

GB CT
Données bilans électriques RTE
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En 2024, la production française étant largement excédentaire, les échanges sur la frontière britannique ont été presque unilatéralement orientés dans le sens des exportations. Le solde annuel s’est élevé à 20,1 TWh, soit le total annuel le plus élevé depuis le début des échanges entre les deux pays, en 19863. Ce record doit beaucoup à l’augmentation des capacités d’échange depuis 2022 (voir la section Interconnexions).

Depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne en 2020, une autre particularité des échanges avec la Grande-Bretagne réside dans l’absence de couplage avec les marchés continentaux. Cela implique, entre autres, une désoptimisation des échanges par rapport à un couplage implicite tel qu’il existe entre les autres zones de marché en Europe (c’est également le cas de la Suisse ; la Norvège, en revanche, en vertu de son Accord d’association avec l’Union européenne, est intégrée au couplage des marchés court-terme). 

En comparant, pour chaque heure et pour chaque frontière de la Grande-Bretagne, les échanges et les prix spot dans chacun des pays, on peut déterminer la proportion du temps au cours de laquelle les échanges sont « correctement » orientés, c’est-à-dire de la zone dans laquelle le prix est le plus faible vers celle dans laquelle le prix est le plus élevé. Dans le cas contraire, on dit que les échanges sont économiquement « contre-intuitifs », et donc sous-optimaux : on importe de l’énergie plus coûteuse là où elle est moins coûteuse. 

Désoptimisation GB
Données bilans électriques RTE
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Ce type de situation est susceptible, à la marge, de se produire sur toutes les frontières, y compris celles qui sont fortement intégrées et sur lesquels les mécanismes d’échange sont hautement optimisés ; une des principales raisons à cela est la coexistence de plusieurs horizons de trading, ce qui peut entraîner, en cas de variation importante des déterminants de l’équilibre offre-demande à l’approche du temps réel, un retournement du sens des échanges sur la frontière. On observe cependant que, sur la frontière britannique, ce phénomène est beaucoup plus fréquent que sur les autres : l’absence de mécanismes d’échange intégrés, optimisés et coordonnés diminue l’aptitude des acteurs à répondre correctement aux signaux économiques, et donc aux sous-jacents physiques du système. C’est vrai pour les échanges avec la France, mais aussi avec ses autres voisins. On constate nettement l’effet d’une part de la mise en place, en 2014, du couplage des marchés, et d’autre part, à l’inverse, du retrait du Royaume-Uni de celui-ci en 2021

Pour mieux comprendre : pourquoi parle-t-on du système électrique « britannique » ?

On parle d’échanges avec la Grande-Bretagne, et non avec le Royaume-Uni, car les systèmes électriques de l’île de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ne sont pas synchrones, ne sont pas gérés pas le même gestionnaire de réseau de transport (National Grid pour la Grande-Bretagne et SONI pour l’Irlande du Nord), et n’appartiennent pas à la même zone de marché. Le système électrique nord-irlandais est intégré avec celui de la République d’Irlande ; les deux gestionnaires de réseau de transport irlandais (EirGrid pour la République d’Irlande et SONI pour l’Irlande du Nord) opèrent conjointement depuis 2007 une unique zone de marché pour toute l’île d’Irlande, le Single Electricity Market. Le réseau irlandais est interconnecté avec le réseau britannique par deux liaisons à courant-continu d’une capacité de 500 MW chacune : le East-West Interconnector, entre la République d’Irlande et le Pays de Galles, et le Moyle Interconnector, entre l’Irlande du Nord et l’Écosse. Une troisième interconnexion, Greenlink, entre la République d’Irlande et le Pays de Galles, d’une capacité de 500 MW, devrait entrer en service début 2025. Une quatrième liaison HVDC est prévue, entre la République d’Irlande et la France, cette fois : il s’agit du Celtic Interconnector, d’une capacité de 700 MW et dont la mise en service est prévue en 2027.

Région Core (Allemagne et Belgique)

Les échanges entre la France et ses voisins qui font partie de la région Core, c’est-à-dire l’Allemagne et la Belgique, sont de loin les plus importants en volume ; c’est également sur cette frontière que les capacités d’échange sont les plus élevées, et que l’intégration des marchés est la plus aboutie4. Les échanges avec cette région sont aussi, enfin, les plus variables : c’est en partie en raison de l’intégration importante des mécanismes d’échange, et en partie en raison du mix de production dans la région, qui comporte une part élevée d’énergies renouvelables variables.

Depuis 2001, la France a échangé 580 TWh avec l’Allemagne et la Belgique ; à titre de comparaison, le volume total échangé avec l’Italie sur la même période s’élève à 449 TWh, à 429 TWh avec la Suisse, à 302 TWh avec la Grande-Bretagne et à 247 TWh avec l’Espagne. La variabilité des échanges entre la France et l’Allemagne et la Belgique, ainsi que la complémentarité de leurs mix respectifs sur le temps long est manifeste lorsqu’on regarde le solde net sur l’entièreté de la période entre les deux régions : entre 2001 et 2024, en cumulé sur toute la période, il s’élève à +57 TWh seulement, à mettre en regard des près de 600 TWh échangés.

À des échelles de temps plus fines, les échanges entre la France et la région Core sont caractérisés par une volatilité plus importante que sur les autres frontières. En fonction de la situation concernant l’équilibre offre-demande et des coûts de production de part et d’autre de la frontière, les échanges sont susceptibles de changer de sens rapidement et dans des proportions très importantes ; à titre d’exemple, en 2024, on a observé une trentaine de situations où les échanges entre la France et l’Allemagne et la Belgique ont varié de près de 10 GW au cours d’une période de 3 heures5. Cette tendance s’est encore accentuée depuis 2015, dans le cadre de l’intégration et de la fluidification croissante des échanges dans la zone Central Western Europe d’abord, puis Core à partir de juin 2022. Ainsi à l’échelle annuelle, depuis 2001, la France oscille entre une position importatrice et exportatrice nette vis-à-vis de l’Allemagne et de la Belgique. C’est habituellement en été, lorsque la production disponible en France dépasse largement la consommation, que les exports sont les plus importants vers cette région. En hiver, la France est à l’inverse plutôt importatrice – l’hiver 2023-2024 faisant exception, pour la première fois depuis l’hiver 2006-2007. 

Core CT
Données bilans électriques RTE
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En effet, en 2024, la France a exporté un volume historiquement élevé d’énergie vers l’Allemagne et la Belgique, avec un solde net de +27,2 TWh (le solde annuel net exportateur le plus élevé enregistré au cours de la période 2001-2023 est de 15,9 TWh, en 2003). Entre février et novembre, la France a été massivement exportatrice ; les échanges ont été les plus équilibrés au cœur de l’hiver, aux mois de janvier et de décembre, mais le solde est resté légèrement exportateur.

En général, les prix spot les plus élevés se produisent lorsque le niveau de la consommation résiduelle, celle qui doit être couverte par des moyens pilotables, est élevé. Dans ces situations de forte consommation, les échanges avec les pays voisins contribuent à limiter la hausse des prix, que ce soit pour la France ou pour les autres pays, assurant la sollicitation des moyens de production les moins coûteux à l’échelle du système interconnecté. Ainsi en 2024, les échanges entre la France et les frontières Allemagne/Belgique ont été fréquemment proches de la saturation dans le sens des exportations, quand la production d’origine nucléaire et renouvelable était abondante et la consommation normale en France. Ces exportations ont alors permis de limiter la hausse des prix dans les pays voisins. À l’inverse, quand la consommation en France a été la plus élevée, les échanges vis-à-vis de la région Core se sont inversés et la France a pu ponctuellement importer des volumes significatifs pour satisfaire sa propre consommation ou réexporter vers d’autres frontières, ce qui a permis d’éviter d’activer des moyens moins compétitifs en France ou dans des pays tiers. Cette analyse succincte illustre un point important : les imports/exports entre pays européens, qui varient heure par heure, participent essentiellement d’une logique d’optimisation économique à l’échelle de la plaque européenne. Ils ne doivent pas être interprétés sous le prisme de la sécurité d’alimentation (un import ne traduit généralement pas un « besoin physique » de la part de la zone importatrice).

Core vs prix spot
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Italie

Les échanges entre la France et l’Italie sont historiquement orientés vers l’Italie. Sur cette frontière, la France a été exportatrice nette chaque année depuis 1979. En effet, la production italienne, encore très dépendante des moyens thermiques fossiles, en particulier des centrales au gaz, est structurellement moins compétitive que celle de ses voisins. Une des explications à cela est le prix de l’approvisionnement en gaz dans la péninsule, qui est durablement plus élevé que chez ses voisins. Ainsi, depuis le début des années 1980, les importations d’électricité représentent chaque année entre 10 et 15 % de la consommation domestique d’électricité italienne6. En 2024, la dynamique a été conforme à l’historique : la France a été massivement exportatrice vers  l’Italie ; le solde net annuel sur cette frontière s’est élevé à 22,3 TWh.

IT CT
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Suisse

Depuis le début des années 2000, la France est habituellement largement exportatrice vers la Suisse. À partir du milieu des années 2010, la compétitivité du parc de production suisse, déjà importante en raison de la prédominance des filières hydraulique et nucléaire, s'est accrue, notamment sous l'effet du développement de la production solaire. Cela a conduit la France à importer plus souvent, notamment en été. Au cours de l'année 2024, sur la frontière suisse, les échanges ont été tout de même dans l'ensemble fortement orientés dans le sens des exportations ; le solde annuel s'élève à 16,6 TWh. Par ailleurs, la Suisse joue un rôle de « pays de transit » vu sa position centrale en Europe : une partie des flux exportés vers la Suisse ont ainsi pu se diriger vers les autres pays voisins, notamment l’Italie (sur ce point, voir l’analyse dans la partie suivante). De mars à juin, les volumes d'exportation vers la Suisse ont été en deçà des maxima habituels. On observe également un creux marqué entre juin et août. Au mois de juillet, le solde net a même été proche de l'équilibre. Ce creux s'explique plutôt par les fondamentaux en Suisse, particulièrement la production hydraulique ainsi que, dans une moindre mesure, la production solaire, qui est désormais conséquente dans le pays en été.

CH CT
Données bilans électriques RTE
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La frontière avec la région Core est la seule frontière française sur laquelle la détermination des capacités d’échange se fonde sur une approche dite flow-based, qui permet de maximiser les capacités par rapport aux approches, plus simples, en vigueur sur les autres frontières.

5

À titre de comparaison, la variation maximale du solde sur 3 heures observée sur les autres frontières est de 7 GW sur la frontière britannique, et moins de 6 GW sur les autres. La variation moyenne du solde sur un intervalle de 3 heures à la frontière avec la région Core est de 1,6 GW, alors qu'elle est de moins de 800 MW sur les autres.

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Terna, Dati Storici 2023.

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Les exportations françaises se répandent au-delà des pays voisins

Le réseau européen étant maillé, il est possible de supposer intuitivement que les échanges de la France avec ses voisins directs, tels que présentés dans l’analyse par frontière, ont des composantes ayant pour origine ou pour destination des pays plus « lointains ». Schématiquement, si, sur un intervalle de temps donné, la France importe de l’électricité depuis l’Espagne mais que l’Espagne en importe depuis le Portugal au même moment, alors il peut être légitime de considérer que, sur l’intervalle de temps en question, une partie de l’électricité échangée entre la France et l’Espagne est attribuable à de la production au Portugal. De même, si la France exporte de l’électricité vers l’Italie mais en importe en même temps depuis l’Allemagne, il peut être légitime de considérer une partie de ces exportations comme provenant d’Allemagne et non de la production française. Les résultats de l’analyse des échanges avec cette approche, dite par « traçage des flux », prenant en compte un périmètre européen élargi à 15 pays7, sont présentés ici. Il ne s’agit pas de données mesurées mais bien des résultats d’une modélisation8, qui peuvent cependant fournir des compléments d’information utiles pour la compréhension du fonctionnement du système électrique européen. 

Exportations périmètre élargi 2024
Données bilans électriques RTE
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Cette analyse fait apparaître en premier lieu qu’une grande partie des importations de la France « traversent » le pays, et n’alimentent pas la consommation française. En effet, quand la France importe depuis certains voisins tout en étant exportatrice nette, donc en réexportant un volume plus élevé vers les autres voisins, on considère dans ce cadre d’analyse que les volumes importés sont réexportés vers ces derniers. Le volume d’importations qui alimentent la consommation française, au sens de cette approche, est donc extrêmement faible : moins d’1 TWh au cours de l’année, sachant que la France a été exportatrice nette près de 98 % du temps. 

Dans le détail, on constate ensuite que les exportations vers la Suisse selon l’analyse par « traçage des flux » sont beaucoup plus faibles que celles identifiées dans l’analyse par frontière avec les voisins directs. En effet, la Suisse est un pays de transit9 : l’énergie exportée par la France est en grande partie réexportée vers l’Italie. Ainsi, en prenant cela en compte, l’Italie représente 32 % des exportations françaises (29 TWh) contre 22 % si on ne considère que les flux bilatéraux directs. On observe ensuite que le premier pays non-frontalier parmi ceux qui importent depuis la France est le Portugal, avec 6 % du volume (5,5 TWh), soit plus que les exportations françaises vers l’Espagne. Cela indique que l’Espagne joue fréquemment le rôle de pays de transit entre la France et le Portugal. Dans une moindre mesure, on observe une situation semblable pour la Belgique, par laquelle transitent des flux de la France vers les Pays-Bas et l’Allemagne10. Enfin, environ 12 % des exportations de la France, soit 11 TWh, ont pour destination le reste de l’Europe, en particulier l’Europe centrale et la Scandinavie : Danemark, Norvège, Pologne, Autriche, République Tchèque, etc.

Toutes ces considérations soulignent, une fois de plus, le caractère fortement interconnecté et le fonctionnement proprement européen du réseau électrique et des échanges d’énergie en Europe. 

Avec la transformation des mix électrique français et européen, le système électrique français joue de plus en plus le rôle de « carrefour électrique »

La transformation des mix de production des pays européens est susceptible d’induire une variété de régimes d’échanges à l’échelle européenne. Ces régimes seront déterminés par les mix de chacun des pays et par leurs complémentarités, notamment en ce qui concerne les productions renouvelables variables. Par sa position de « carrefour électrique » entre ses voisins situés au Nord, au sud-ouest et à l’est, la France est susceptible de jouer le rôle de pays de transit pour ces différents régimes d’échange. Le cas paradigmatique est celui des échanges entre la péninsule ibérique et la zone Allemagne/ Benelux, deux zones disposant d’une capacité installée solaire et éolienne déjà importante. 

flux traversants LT
Données bilans électriques RTE
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Entre 2001 et 2020, on voyait des échanges traversants principalement sur une boucle allant de l’Allemagne vers l’Italie et la Suisse, en passant par la France. Pendant les années 2010, on voit apparaître les prémices de nouveaux régimes, plus nombreux et diversifiés. Les années 2020, et particulièrement l’année 2024, ont vu se développer ces nouveaux régimes d’échanges ; l’émergence d’échanges traversant la France en provenance de l’Espagne et à destination du reste de l’Europe est particulièrement notable au cours de l’année 2024.

Depuis 2016, la proportion d'importations depuis la péninsule ibérique qui traverse la France à destination des autres pays européens est élevée : en 2024, elle a atteint 98 % (93 % en considérant uniquement les réexportations vers les frontières hors Suisse et Italie). Même en 2022, au plus fort de la crise énergétique, plus de la moitié des importations venant d'Espagne avaient été réexportées – cette année-là essentiellement vers la Suisse et l'Italie.

flux traversants ES-FR
Données bilans électriques RTE
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L’augmentation de la production renouvelable en Europe présente des enjeux grandissants pour la gestion du système électrique

La transformation des mix de production des pays européens modifie les flux d’électricité sur la plaque européenne, et conduit notamment à une augmentation des échanges entre les pays du Nord et de l’Est et les pays du Sud et de l’Ouest de l’Europe, du fait des complémentarités entre les mix de production dominés par les énergies renouvelables. Par sa position de « carrefour électrique » entre Europe du Nord, du Sud et de l’Est, la France joue de plus en plus le rôle de pays de transit lorsque de tels régimes d’échanges s’établissent. Une illustration concrète est celle des échanges entre la péninsule ibérique et la région de l’Allemagne et du Benelux, des zones disposant d’une capacité installée solaire et éolienne déjà importante. Ces « échanges traversants » sont de plus en plus importants en volume et en fréquence, et s’ajoutent aux volumes d’exportations issus de la production française. Au cours des mois de mars et d’avril, une diminution ponctuelle des volumes exportés vers les frontières à l’est (Allemagne, Belgique, Suisse et Italie) a pu être observée. Cette diminution relative est le résultat de l’effet combiné (i) d’une forte production décarbonée en France et dans la péninsule ibérique, (ii) de la réorganisation des flux au sein du territoire français, dans ce contexte de forte production décarbonée, particulièrement visible dans le sud-ouest de la France, (iii) de la réalisation de travaux de maintenance nécessaires sur l’infrastructure de grand transport ayant conduit à générer des contraintes sur le réseau. Ces travaux correspondent au vaste programme de renouvellement et de renforcement de son réseau qu’engage RTE pour être en mesure d’atteindre les objectifs de transition énergétique européens et nationaux. Ce programme conduit à l’augmentation des indisponibilités d’ouvrages électriques, et donc à l’augmentation de flux sur le reste du réseau. Dans ce contexte, RTE a procédé à des réductions exceptionnelles d’exportations vers les pays à l’est de la France au cours des mois d’avril et mai. Ces mesures ont été activées après que l’ensemble des moyens conventionnels ont été mis en place et que des travaux de maintenance supplémentaires ont été déprogrammés. Toutefois, même au cours de cette période, le solde exportateur vers l’Allemagne et la Belgique a dépassé les maxima observés au cours des dix dernières années, et il est resté proche des valeurs moyennes sur les frontières italienne et suisse. À partir du mois de mai, les contraintes sur le réseau de transport proche de ces frontières se sont atténuées tout en restant significatives. RTE anticipait, à l’été 2024*, que de telles situations seraient susceptibles de se reproduire entre les mois d’août et octobre ; finalement, les conditions ont été plutôt favorables, et n’ont pas entraîné la nécessité de recourir de nouveau à des actions exceptionnelles.

* voir RTE, Bilan du premier semestre 2024 et RTE, French eastern borders : situation update on 23 July 2024.
7

Les 15 pays sont : l'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Suisse, l'Autriche, l'Allemagne, la République Tchèque, la Pologne, la Belgique, les Pays-Bas, la Suède, la Norvège, le Danemark et la Grande-Bretagne. L'Irlande a été exclue pour cause de qualité insuffisante des données disponibles. Un ensemble plus large de pays, s'étendant jusqu'à la Grèce et la Finlande, a également été étudié : la prise en compte de pays plus lointains que les 15 pays retenus, et dont les systèmes électriques sont relativement petits par rapport à celui de la France, ne modifie pas substantiellement les résultats présentés ici.

8

Les fondements de l'approche utilisée dans cette partie sont exposés en détail dans Bialek, J., Tracing the flow of electricity, 1996.

9

Voir Bilan électrique 2023, chapitre Échanges, Focus : la Suisse, un pays de transit pour l'électricité.

10

Voir le chapitre Europe, à paraître.

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La valorisation des exportations d’électricité en 2024 s’élève à plusieurs milliards d’euros

En 2024, la valorisation nette totale des exportations d'électricité de la France s'est élevée à 5 Md€, son plus haut niveau depuis l'ouverture des marchés de gros, en 2000.

analyse économique 1
Données bilans électriques RTE
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Entre 2002 et 2019, la valorisation nette annuelle des échanges d’électricité de la France a oscillé entre 1 et 3 Md€courants . La décennie 2010 a été caractérisée par l’évolution progressive du mix français et européen, avec le développement des énergies renouvelables et la diminution de la part de la production fossile, notamment à partir de charbon (voir le chapitre Europe à paraître). Au cours de cette décennie, la valorisation nette est restée du même ordre que pendant la décennie précédente, malgré une augmentation des volumes importés et exportés. On observe ensuite nettement, à partir de 2021, l’effet de la crise des prix de l’énergie en Europe. Sans que les volumes annuels soient particulièrement plus élevés, la valeur de l’électricité échangée par la France augmente nettement : l’effet prix est prépondérant. En 2024, l’effet lié à la diminution des prix a en partie compensé l’effet lié à l’augmentation des volumes exportés : malgré une augmentation de 78 % du solde exportateur par rapport à 2023, la valorisation nette a été seulement 30 % plus élevée qu’en 2023. 

En outre, il est intéressant de considérer les prix de marchés auxquels les exportations ont eu lieu. On observe que la France a été exportatrice sur une vaste plage de prix, avec des volumes élevés à la fois pendant les périodes de prix relativement faibles et de prix relativement élevés. Le prix spot français moyen en 2024 s’est élevé à 58 €/MWh ; la France a exporté un total de 46 TWh en situation de prix inférieur au prix moyen, et 44 TWh en situation de prix supérieur au prix moyen, soit des volumes du même ordre de grandeur.

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Données bilans électriques RTE
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analyse économique 3
Données bilans électriques RTE
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Le prix moyen du MWh exporté est en général légèrement plus faible que le prix spot moyen français, mais toujours relativement proche. Ainsi, en 2024, même si ce prix a reculé par rapport aux deux années précédentes, il est resté légèrement plus élevé que pendant la décennie 2010. La France n’a pas « bradé » son électricité : elle a exporté presque en permanence sa production compétitive et excédentaire qui n’aurait autrement pas eu de débouchés, en fonction de l’optimum économique à l’échelle européenne.

Par ailleurs, le prix moyen du MWh importé est également en général proche mais légèrement plus bas que le prix moyen ; en 2024, il a été même été nettement plus faible (près de 30 % plus faible) ; cela signifie que lors des rares périodes au cours desquelles la France a importé, c’était essentiellement pour bénéficier d’une production décarbonée abondante et peu chère chez ses voisins. Il est à noter que c’était également le cas en 2022 : les importations depuis les pays voisins ont contribué à limiter le coût de l’approvisionnement français en électricité alors que celui-ci était soumis à une situation de forte tension, évitant l’utilisation de moyens de production supplémentaires, plus coûteux et plus carbonés, en France.

En matière de commerce extérieur, l’électricité pèse peu comparée aux combustibles fossiles

La facture énergétique de la France correspond au bilan entre la valeur des importations d’énergie et celle des exportations, tous vecteurs confondus (électricité et combustibles fossiles notamment). 

facture énergétique
Données bilans électriques RTE
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Hors situations exceptionnelles comme la crise énergétique de 2022, la France est largement exportatrice d’électricité, ce qui contribue à atténuer la facture énergétique du pays. En 2024, le solde largement exportateur de la France a contribué à une réduction d’environ 5 Mds€ de cette facture. Cette contribution demeure cependant faible par rapport au poids des importations de combustibles fossiles, qui constituent le premier poste du déficit commercial de la France ; en 2024, les importations ont coûté plus de 60 Md€202411 ; en 2022, ce coût était monté à plus de 110 Md€2024. En comparaison, bien qu’exceptionnel, le coût pour l’économie nationale des importations d’électricité12 cette même année était inférieur à 10 Md€2024. La transition énergétique, fondée sur une bascule massive des énergies fossiles vers l’électricité bas-carbone, aura pour conséquence mécanique la réduction importante de la facture énergétique liée aux combustibles fossiles ; le montant acquitté chaque année par le pays est caractérisé par une volatilité importante, au gré des événements majeurs qui affectent l’économie mondiale et le cours des hydrocarbures. La part liée à l’électricité, en comparaison, est restée contenue même durant la crise majeure qui a affecté la France en 2022 : l’électrification des usages permet également à l’économie française et européenne d’être mieux protégée face aux chocs externes. C’est donc, en plus d’un impératif climatique, un atout en matière de souveraineté française et européenne (la plupart des combustibles fossiles étant importés depuis des pays tiers).

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Source : Douanes

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Pour l'évaluation de la facture énergétique, ce sont les échanges bilatéraux avec les voisins directs qui sont considérés, et non les échanges issus du traçages des flux.