2022 : un système électrique résilient face à une crise énergétique inédite depuis les années 1970
L’année 2022 a vu une crise énergétique majeure se développer, dans des proportions inédites depuis les chocs pétroliers des années 1970. Au niveau français et européen, il s’agit en réalité de trois crises indépendantes mais simultanées qui se sont additionnées :
- L’envolée des prix du gaz, soutenue par les menaces sur l’approvisionnement de l'Europe résultant de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Précisément, une première envolée des prix du gaz est intervenue dès la fin 2021 en raison de la reprise économique succédant à la crise sanitaire. Elle a été amplifiée par le conflit en Ukraine et la réduction des livraisons de gaz russe qui en a résulté, dans un contexte d’inquiétude sur la sécurité d’approvisionnement du continent européen tout entier ;
- Une crise française de production nucléaire avec la caractérisation d’un aléa générique sur les réacteurs les plus récents du parc suite à la découverte du phénomène de corrosion sous contrainte, qui a conduit à de nombreux arrêts pour contrôles et réparation depuis fin 2021. Elle s’est traduite par une production nucléaire au plus bas depuis 1988, en recul de 30 % par rapport à la moyenne de ces 20 dernières années ;
- Une sécheresse longue qui a réduit la production hydraulique en France à son plus bas niveau depuis 1976, ainsi que dans une large partie de l’Europe.
Dans ce contexte, le système électrique a fait preuve de résilience : il n’y a pas eu de rupture d’approvisionnement. Ceci est dû à la diminution structurelle de la demande en électricité en France et dans les pays voisins ainsi qu’à un fonctionnement des échanges de gaz et d’électricité conformes aux règles européennes.
En particulier, les marchés de court terme ont envoyé les bons signaux économiques lors des périodes de tension. Ce fut le cas notamment durant la période estivale, marquée par une très forte baisse de production hydraulique et nucléaire et qui s’est traduite par une augmentation des prix sur les marchés conforme aux fondamentaux économiques.
Les effets de la crise sont donc essentiellement de nature économique. En particulier, les marchés à terme ont révélé une prime de risque pour la France, conduisant à des hausses de prix sans précédent pour l’hiver.
A partir de septembre, la gestion de la crise par les pouvoirs publics, la remise en service d’un grand nombre de réacteurs nucléaires, les températures anormalement hautes pour la saison ou encore le constat de la baisse de la demande et d’un bon fonctionnement des interconnexions ont progressivement réduit les incertitudes.
Pour autant, les effets seront encore perceptibles en 2023 car ces prix hauts forment le sous-jacent de nombreux contrats de fourniture souscrits au second semestre 2022 pour les années 2023 et suivantes. Cela veut dire que la décrue des prix de marché entamée fin 2022 ne se traduira qu’avec un effet retard pour les consommateurs ne bénéficiant pas des protections mises en place par l’Etat (bouclier, amortisseur).
Le coût environnemental de la crise énergétique est réel, mais contenu. Les émissions associées à la production sont de 25 MtCO2éq (contre 21,5 MtCO2éq en 2021). Le système électrique français a quasiment achevé sa sortie du charbon (qui ne représente plus que 0,6 % de la production d’électricité française). Les centrales à gaz ont été sollicitées à un niveau inédit, mais inférieur au niveau redouté en cas d’hiver froid ou de maintien de la consommation énergétique. Ce volume d'émissions reste bien inférieur à celui d'autres pays comparables : il est de l'ordre de 10 fois plus élevé en Allemagne, par exemple.
Le bilan carbone de l'électricité consommée en France n'est pas significativement dégradé si l'on tient compte des imports depuis les pays voisins : le contenu carbone des imports reflète le contenu moyen des pays voisins, la France important dans des situations de forte sollicitation de centrales fossiles aussi bien que pendant des périodes de forte production éolienne ou solaire, par exemple.
Dans ce contexte, il faut noter que l’année 2022 n’a pas marqué de pause dans la transition énergétique. Avec 5 GW installés, le record de mise en service d’installations renouvelables a été battu.
Une accélération demeure nécessaire pour atteindre les objectifs du pays mais, à l’instar d’autre études publiées récemment en Europe, le Bilan électrique 2022 permet de montrer que la transition du système se poursuit et que les énergies renouvelables en France contribuent désormais à la fois à la décarbonation structurelle du mix et à la sécurité d’approvisionnement.
En 2023, l’évolution favorable de la situation sur le parc nucléaire français sera essentielle pour accroitre la résilience du système électrique aux risques internationaux sur les combustibles fossiles et retrouver la trajectoire de décarbonation de l’économie dans son ensemble.
Une consommation d’électricité qui marque un net recul par rapport aux niveaux d’avant-crise
En 2022, la consommation corrigée des aléas climatiques et des effets calendaires1 a représenté 459,3 TWh. Elle se situe en retrait de 1,7 % par rapport à 2021, une baisse comparable à celle observée en 2009 lors de la crise financière. Par rapport à la moyenne des années avant-crise sanitaire (2014-2019), la consommation a affiché une baisse de 4,2 % sur l’année 2022 pour atteindre environ 9 % sur les derniers mois de l’année. Il faut remonter jusqu’en 2005 pour trouver un niveau de consommation électrique corrigé du climat inférieur à celui de 2022. À cette époque, en effet, la consommation française n’avait pas encore atteint le « plateau » de relative stabilité des années 2010.
Le niveau de consommation est également inférieur à celui de 2020 (461 TWh), année pourtant largement marquée par les confinements et le recul de l’activité économique du fait de la crise sanitaire.
La baisse de consommation a d’abord été observée dans l’industrie, plus exposée aux variations des prix en l’absence de protection tarifaire. Les secteurs industriels les plus intensifs en énergie, tels que la chimie, la métallurgie et la sidérurgie, ont été les plus touchés (respectivement -12 %, -10 % et -8 % sur l’année2 et -19 %, -20 % et -20 % entre septembre et décembre), suivant en cela une tendance européenne. Elle s’est ensuite élargie à tous les secteurs, notamment au secteur résidentiel (majoritaire en volume) et au tertiaire. En particulier, la baisse de consommation dans les secteurs résidentiel et tertiaire a dépassé 5 % en moyenne au cours des quatre derniers mois de l’année.
Il reste difficile de départager l’effet sur la consommation de la contrainte économique et des actions en faveur de la sobriété énergétique. En effet, malgré le bouclier tarifaire pour les particuliers, la pression inflationniste pesant sur le budget global des ménages a pu inciter aux économies d'énergie même en l'absence de réévaluation des tarifs. Dans le même temps, la mobilisation nationale réussie en faveur des économies d’énergie de la part des particuliers et des entreprises a joué un rôle important. La baisse de consommation est très clairement visible à partir de septembre - octobre et de la diffusion des messages sur la sobriété énergétique.
La consommation brute d'électricité a également baissé en 2022 (452,8 TWh) par rapport à son niveau de 2021 (471,5 TWh), soit une diminution de 4 %. Cette baisse est plus marquée que celle de la consommation corrigée (1,7 %) du fait des températures très élevées en 2022 par rapport aux normales. Ceci a entraîné notamment une forte réduction de la consommation d'électricité pour le chauffage au cours de l'automne et de l'hiver, en raison de la forte thermosensibilité de la consommation française.
1 Correction qui permet une comparaison d’une année sur l’autre et une identification des effets structurels qui affectent le niveau de consommation.
2 Sur le périmètre des grandes industries raccordées au réseau de transport.
La production totale d’électricité se situe à son plus bas niveau depuis 1992, en raison de la faible production nucléaire et hydraulique
Le volume total d’électricité produit en France en 2022 a atteint 445 TWh soit un recul de 15 % par rapport à l’année 2021 (522 TWh). Il s’agit du niveau le plus faible depuis 1992, alors que le parc nucléaire historique n’était pas encore totalement en service avec, à l’époque, plusieurs réacteurs en cours de construction1.
Ceci est le reflet de la faible disponibilité du parc nucléaire, dont la production a baissé de 82 TWh par rapport à 2021, ainsi que des contraintes sur la production hydraulique (-12 TWh). Ces diminutions ont été partiellement compensées par l’augmentation de la production à partir de gaz (+11 TWh) et par la croissance de la production solaire (+4 TWh).
1 Six réacteurs ont été mis en service depuis 1992 (Penly 2, Golfech 2, Chooz B 1, Chooz B 2, Civaux 1, Civaux 2) et deux réacteurs ont été arrêtés (Fessenheim 1 et Fessenheim 2).
La disponibilité du parc nucléaire a été historiquement basse tout au long de l’année conduisant au niveau de production le plus faible depuis 1988
La disponibilité du parc nucléaire français s’est située à un niveau historiquement faible, tout au long de l’année 2022, s’établissant à 54 % contre 73 % en moyenne entre 2015 et 2019.
Elle a atteint un minimum historique de 21,7 GW le 28 août 2022 avec près de 65 % du parc nucléaire à l’arrêt avant de remonter en fin d’année, tout en restant nettement en-deçà des niveaux des années précédentes.
L’écart avec les années précédentes a été particulièrement marqué au cours de la période estivale, pendant laquelle se sont notamment concentrées les indisponibilités non programmées du fait de la découverte, dès fin 2021, d’un phénomène de corrosion sous contrainte au sein de plusieurs réacteurs. Ces arrêts ou prolongations d’arrêts pour maintenances, contrôles et le cas échéant pour réparations ont affecté principalement les réacteurs les plus récents du parc (paliers N4 et P4’) non concernés par le programme d'investissements du grand carénage. Ainsi, ces indisponibilités se sont ajoutées à un planning d’opérations initialement chargé et davantage densifié du fait des décalages induits par la gestion de la crise sanitaire. La concentration des différents arrêts durant l'été a néanmoins permis de maximiser la disponibilité lors de la période hivernale.
Disponibilité du parc nucléaire
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Détails et source
Ce graphique présente la disponibilité journalière du parc nucléaire français sur les trois dernières années, comparée à l'enveloppe 2015-2019.
En raison de cette faible disponibilité, la production du parc nucléaire français a fortement baissé en 2022 par rapport aux années précédentes, avec un volume produit de 279 TWh (soit 62,7 % du mix) contre 360,7 TWh en 2021 et 379,5 TWh en 2019. En particulier, ce niveau de production, jamais atteint depuis la fin du développement du parc nucléaire existant, affiche un recul de 30 % par rapport à celui des vingt dernières années. Il se situe, dans l’absolu, au niveau le plus bas observé depuis 1988. Cette année-là, la puissance nucléaire installée ne représentait que 51 GW, soit 83 % de la puissance installée actuellement (pour 8 réacteurs en moins).
La moindre disponibilité du parc nucléaire français a fortement contribué aux anticipations de tensions sur l’équilibre offre-demande. RTE a publié en septembre des analyses sur la sécurité d’approvisionnement, qui ont mis en avant une période de vigilance débutant exceptionnellement dès l’automne1. La production nucléaire a atteint ses plus faibles niveaux au cours des mois d’août et septembre (environ 18 TWh par mois, contre 29 TWh par mois en août et septembre 2021), pour remonter progressivement et atteindre 28 TWh en décembre, une valeur proche de celle de décembre 2021 (32 TWh).
A l’automne, la disponibilité du parc nucléaire a évolué telle que prévue par RTE. Ainsi, en fin d’année, la réduction des incertitudes sur les redémarrages des réacteurs nucléaires, combinée à la baisse significative de la consommation nationale confirmée dès l’automne, ainsi qu’au fonctionnement des échanges avec les pays voisins conforme aux règles européennes, ont contribué à alléger le niveau de tension sur le système électrique.
Evolution de la production nucléaire
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Ce graphique présente une vision annuelle et mensuelle de la production nucléaire française.
La production hydraulique a atteint son plus bas niveau depuis 1976, en raison des conditions climatiques exceptionnellement chaudes et sèches
Selon le bilan climatique de Météo-France, l’année 2022 a été la plus chaude jamais enregistrée en France depuis le début du XXème siècle1. Les températures ont été supérieures aux normales sur la majeure partie de l’année : les mois de mai et octobre ont été les plus chauds depuis 1900 et la période estivale se place en deuxième position des étés les plus chauds, derrière l’été 2003.
Les précipitations ont été globalement déficitaires sur l’année, se situant 25 % en dessous des normales. Ainsi, l’année 2022 est la deuxième la plus sèche observée (après 1989) depuis le début des mesures en 1959 et a été nettement plus sèche que l’année 2005, pendant laquelle les précipitations avaient été déficitaires de 20 %.
Ce déficit de précipitations a eu un fort impact sur la disponibilité de la production hydraulique : les stocks ont atteint des niveaux historiquement bas à mi-juillet. Seule une gestion responsable des stocks par les exploitants et des conditions climatiques favorables à l’automne ont permis une forte contribution de la filière à la sécurité d’approvisionnement lors de la période hivernale : à partir du mois d’octobre, les stocks retrouvent des valeurs connues pour remonter à un niveau moyen historique à partir de mi-novembre, notamment en raison d’une faible sollicitation du fait de la moindre consommation d’électricité.
Evolution du stock hydraulique
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Ce graphique présente l’évolution hebdomadaire du stock hydraulique.
Avec un total de 49,6 TWh sur l’année, la production hydraulique est en recul de 20 % par rapport à la moyenne 2014-2019 (61,6 TWh couvrant une amplitude de de 53 TWh en 2017 à 67,7 TWh en 2018).
Evolution de la production hydraulique
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Ce graphique présente une vision mensuelle et annuelle de la production hydraulique et le détail par sous-filière (Lac, Eclusée, Fil de l’eau, Autre).
Un volume record d’énergies renouvelables installées en 2022 mais une accélération demeure indispensable pour atteindre les objectifs publics
En 2022, un volume record d’installations renouvelables a été mis en service (5 GW). Le parc éolien terrestre installé a progressé de 1,9 GW en un an, passant de 18,7 GW à fin 2021 à 20,6 GW au 31 décembre 2022 (contre +1,7 GW en 2017). Le développement du parc solaire s’est maintenu à un rythme soutenu pour la deuxième année consécutive, avec une augmentation de 2,6 GW par rapport à fin 2021 après 2,8 GW installés en 2021. Ce développement a pu avoir lieu malgré des tensions sur les approvisionnements et la hausse du coût de certains composants de panneaux solaires subie par la filière, dont les effets pourraient se matérialiser au cours des prochaines années. Le parc solaire a atteint 15,7 GW à fin 2022.
L’année 2022 a également vu la mise en service du premier parc éolien en mer français, à Saint-Nazaire, pour une puissance de 480 MW. Le parc est pleinement opérationnel et injecte sur le réseau national depuis l’été 2022. L’année 2023 devrait voir le mouvement de mise en service se poursuivre et s’amplifier avec la mise en service attendue des parcs de Saint-Brieuc et Fécamp, pour une puissance d’environ 500 MW chacun.
En volume, la production éolienne terrestre a poursuivi sa progression grâce à la hausse du parc installé, pour atteindre 37,5 TWh (en augmentation d’un peu moins de 1 TWh par rapport à 2021), malgré une année 2022 particulièrement peu venteuse. Le facteur de charge pour l’éolien terrestre s’est établi autour de 21,6 %, au plus bas depuis dix ans. Ainsi, le volume de production est resté inférieur à celui de 2020 (39,6 TWh), année caractérisée par un facteur de charge élevé.
Grâce au développement du parc et au bon ensoleillement, le volume de production solaire a connu une augmentation significative en 2022 (+31 % sur l’année), atteignant 18,6 TWh. La production solaire contribue désormais significativement au bilan électrique de la France, avec un volume de production équivalent à celui de trois réacteurs nucléaires.
Une accélération du rythme d’installation des énergies renouvelables reste nécessaire pour atteindre les objectifs fixés par les pouvoirs publics pour la décennie 2020-2030. Notamment, la PPE en vigueur supposerait d’atteindre, d’ici fin 2023, un parc éolien terrestre de 24,1 GW (soit 3,5 GW à installer) et un parc solaire de 20,1 GW (4,4 GW à installer).
L’utilisation du parc thermique est plus importante qu’en 2021 mais n’a pas atteint les niveaux redoutés
En 2022, les centrales à gaz ont été sollicitées à un niveau inédit, mais qui reste inférieur au niveau redouté en cas d’hiver froid ou de stabilité de la consommation énergétique. Avec un volume produit de 44,1 TWh sur l’année (contre 32,9 TWh en 2021), le gaz est redevenu la troisième source de production d’électricité en France derrière le nucléaire et l’hydraulique, à la place de l’éolien qui avait occupé cette place sur les deux années précédentes.
C’est au cours du printemps et de l’été 2022, périodes marquées par une faible production hydraulique et nucléaire, que l'utilisation des centrales à gaz a été particulièrement soutenue par rapport aux valeurs historiques. En revanche, elle est demeurée à des niveaux habituels durant l'hiver.
Malgré le contexte tendu sur l’approvisionnement électrique, le charbon représente désormais une part extrêmement marginale de la production d’électricité française. La production à partir de charbon n’a plus représenté que 0,6 % de la production en 2022 (environ 3 TWh). Il s’agit d’un niveau de production en baisse par rapport à celui de 2021 (environ 4 TWh) et en net recul par rapport à l’historique. Ainsi, la production des centrales à charbon avait été de l’ordre de 12 TWh par an en moyenne entre 2010 et 2018 (2,2 % du mix) et 23 TWh par an entre 2000 et 2009 (4,2 % du mix). Avec seulement deux centrales encore en activité à fin 2022, la sortie du charbon est déjà quasiment effective.
La France a été importatrice nette d’électricité pour la première fois depuis 1980
Pour la première fois depuis 1980, le solde des échanges français est importateur, avec un solde net de 16,5 TWh, ce qui représente un peu moins de 4 % de la consommation nationale d’électricité1.
La France a été globalement importatrice chaque mois durant l’année à deux exceptions près : en février 2022 (où le solde a été exportateur grâce à une production éolienne abondante et des températures élevées), et en mai 2022 (au cours duquel le solde a été proche de l’équilibre).
Le solde des échanges s’est creusé en particulier pendant l’été, période durant laquelle la France est habituellement fortement exportatrice : les mois de juillet, août et septembre ont représenté à eux seuls 60 % du solde négatif, soit 10 TWh d’imports. Ceci résulte directement de la disponibilité historiquement basse du parc nucléaire et de la moindre production hydraulique (résultant de l’épisode de sècheresse printanière et estivale qui a touché l’Europe) durant cette période.
Solde des échanges commerciaux entre la France et ses voisins
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Ce graphique présente les importations vers la France, les exportations depuis la France et le solde exportateur des échanges commerciaux entre la France et ses voisins
Le fait que la France importe lors des périodes tendues en hiver est habituel et s'explique par la forte thermosensibilité de la consommation française. En 2022, cette tendance a été accentuée en raison de la réduction de la production nationale. Pour autant, la France a pu bénéficier de débouchés économiques pour exporter la production (en particulier nucléaire et renouvelable) lors de périodes moins tendues, comme au cours du mois de février ou durant la deuxième moitié du mois de décembre.
Par ailleurs, les importations permettent aussi de profiter de périodes où la production dans les pays voisins est majoritairement renouvelable et donc à bas coût. Ainsi, la France a été dépendante des importations pour la sécurité d’approvisionnement sur un faible partie du temps, alors que le solde des échanges a été importateur près de 70 % du temps sur l’année 2022.
En 2022, la France a été importatrice nette sur la frontière avec l’Allemagne et la Belgique (pour 27 TWh), ce qui était déjà le cas en 2021 (10 TWh)2. Elle est restée très largement exportatrice sur les frontières italienne et suisse (respectivement 18 et 12 TWh d’exports). En revanche, elle est devenue importatrice sur les frontières britannique (10 TWh) et espagnole (9 TWh). Sur cette dernière frontière, l’inversion du sens des échanges s’explique par la réduction particulière de la disponibilité du parc français mais également par la mise en place du mécanisme ibérique consistant à plafonner le prix du gaz pour la production d’électricité et se traduisant par des prix de l’électricité plus faibles que dans les autres pays européens. Ainsi, dans la limite des capacités d’échanges disponibles, la production d’électricité espagnole, moins chère que celle de ces voisins, a été utilisée en priorité avant le démarrage de centrales au coût de fonctionnement plus onéreux, de l’autre côté de la frontière ou ailleurs en Europe.
1 Pour avoir un ordre de comparaison, cela représente à peu près la production annuelle moyenne de la centrale nucléaire de Belleville (2 x 1310 MW, palier P’4)
2 Pour rappel, la France peut être importatrice d’une frontière et exportatrice vers une autre frontière en même temps, il s’agit de flux de transit entre plusieurs pays.
La crise énergétique européenne s’est traduite par une augmentation sans précédent des prix du gaz et de l’électricité sur les marchés de gros
L’année 2022 a connu une augmentation inédite des prix du gaz, sous l’effet des menaces sur l’approvisionnement de l'Europe résultant de la guerre menée par la Russie en Ukraine.
Une première envolée des prix du gaz et des autres combustibles fossiles était déjà intervenue dès le deuxième semestre 2021 en raison de la reprise économique qui a suivi la crise sanitaire, laquelle avait entraîné une tension entre l’offre et la demande au niveau mondial. Après une légère accalmie en début d’année, les tensions ont été amplifiées par le conflit en Ukraine et la réduction des livraisons de gaz russe qui en a résulté, dans un contexte d’inquiétude sur la sécurité d’approvisionnement du continent européen tout entier.
En conséquence, les prix de l’électricité en France ont fortement augmenté, à la fois en ce qui concerne les prix pour livraison à très court terme (spot) que les prix pour des échéances de livraison plus éloignées (prix à terme).
- Les prix spot ont été fidèles aux fondamentaux économiques du marché, en traduisant les évolutions des prix des combustibles fossiles et la disponibilité des moyens de production décarbonés. Ainsi, ils ont atteint des niveaux record en France au cours de l’été (612 €/MWh en moyenne sur la semaine du 22 août) lorsque la production nucléaire et hydraulique était la plus faible. Des niveaux de prix plus faibles ont été retrouvés à partir de septembre bien que restant élevés par rapport à ceux des années précédentes.
- Les prix à terme observés en France à l’été 2022 pour une livraison à l’hiver 2022-2023 ont révélé l’existence d’une prime de risque spécifique à la France, en s’écartant des fondamentaux économiques. Cette prime traduisait une couverture démesurée des acteurs au regard des risques de tension envisagés dans les analyses de risque, même en considérant des scénarios volontairement très négatifs contenant tous les aléas les plus défavorables. Cette prime de risque s’est effondrée à la fin de l’année du fait de la réduction des incertitudes sur la sécurité d’approvisionnement (retour de nombreux réacteurs en décembre, diminution structurelle de la consommation, températures chaudes).
Les niveaux de prix de marchés atteints en 2022 continuent de générer des fortes tensions sur les finances publiques et les consommateurs, puisqu’ils ont servi de base à l’élaboration des tarifs qui seront pratiqués en 2023. Une meilleure corrélation entre coûts et prix est essentielle pour que les consommateurs bénéficient durablement, dans son approvisionnement en électricité, des conditions économiques liées au coût du mix de production national largement décarboné et compétitif. En particulier, cela est indispensable pour infléchir les trajectoires climatiques et concrétiser le mouvement de décarbonation via l’électrification de certains usages aujourd'hui dominés par les énergies fossiles, ou pour soutenir une politique de relocalisation d'activités.
L’augmentation de la facture énergétique a dégradé le solde des échanges commerciaux de la France, principalement du fait des énergies fossiles
La facture énergétique de la France a atteint 115 Md€ en 2022, une augmentation d’environ 70 Md€ par rapport à 20211. Cette dégradation est principalement portée par les produits fossiles, dont la facture a augmenté d’environ 60 Md€ par rapport à 2021. Ceci découle des prix plus élevés des combustibles fossiles et du recours accru au gaz naturel liquéfié, dont les importations ont fortement augmenté suite à la guerre menée par la Russie en Ukraine2.
Les importations d’électricité ont pesé pour environ 7 Md€ sur la facture énergétique en 2022, alors que les exportations d’électricité avaient représenté un bénéfice d’environ 3 Md€ en 2021 (et de 2 Md€ en moyenne sur les années 2014-2019).
Les émissions de la production d’électricité sont en augmentation contenue : elles demeurent parmi les plus faibles d’Europe
Les émissions de gaz à effet de serre du système électrique ont atteint 25 MtCO2éq, contre 21,5 MtCO2éq en 2021. Cette augmentation est le reflet de la sollicitation accrue des centrales à gaz sur l’année ; en revanche, les émissions liées à la production à partir de charbon ont baissé par rapport à 2021, du fait du faible volume de production à partir de cette source. Les émissions sur l’année 2022 sont demeurées inférieures aux niveaux de 2016 et 2017 et restent bien inférieures à celles d’autres pays comparables. Par exemple, en 2022, les émissions du parc de production allemand ont été de l’ordre de dix fois supérieures à celles du parc français.
La consommation d’électricité en France est parmi les plus décarbonées d’Europe, y compris en tenant compte des importations d’électricité. Malgré une augmentation par rapport à l’année précédente, les émissions liées à la consommation (37 MtCO2éq) sont restées en 2022 comparables à celles d’autres années précédentes comme 2017. L’électricité importée reflète le mix de production des pays voisins, qui intègre des parts croissantes d’énergies renouvelables.
Enfin, la baisse des volumes d’électricité décarbonée habituellement exportés par la France a dû faire l’objet d’une compensation par les mix de production des pays voisins, davantage émetteurs de gaz à effet de serre, avec un effet sur leurs émissions correspondant à environ 7 MtCO2éq.
Données mises à jour en février 2023