Évolution de la consommation sur les dernières années
La consommation française d’électricité, corrigée des aléas météorologiques et des effets calendaires, s’est maintenue à des niveaux relativement stables sur la période 2010-2019. Cette tendance, constatée autant en France qu’en Europe, s’explique essentiellement par :
- Un ralentissement de la croissance économique à la suite de la crise financière de 2008, ainsi qu’une croissance démographique plus faible
- La poursuite de la tertiarisation de l’activité économique, moins consommatrice d’électricité que l’activité industrielle, en recul en France depuis les années 1990, ainsi que la modification du tissu industriel français (stagnation de l’industrie manufacturière et évolutions structurelles en faveur d’une industrie de haute technologie).
- Un renforcement des mesures d’efficacité énergétique au sein des bâtiments et de performance des équipements, conduisant à réduire considérablement la consommation d’électricité pour un besoin identique
Cette phase de stabilité a été suivie en 2020 par un net recul lié aux épisodes de confinement et à la réduction de l’activité économique du fait de la crise sanitaire, dont les effets se sont fait ressentir jusqu’à mi-2021. Au cours de la deuxième moitié de l’année 2021, la consommation a retrouvé des niveaux proches de ceux d’avant-crise sanitaire, en lien avec une reprise économique marquée sur les deux derniers trimestres. Sur l’ensemble de l’année 2021, la consommation est restée légèrement inférieure à ses niveaux d’avant-crise sanitaire (-1,9 % par rapport à 2019).
En 2022, la consommation corrigée des aléas climatiques et des effets calendaires (ce qui permet une comparaison d’une année sur l’autre et une identification des effets structurels qui affectent le niveau de consommation), a représenté un volume de 459,3 TWh, soit une diminution de 1,7 % par rapport à 2021. Ce niveau de consommation est plus faible que celui enregistré en 2020 (461 TWh), année pourtant largement marquée par les restrictions dues aux confinements et le recul de l’activité économique du fait de la crise sanitaire. Il faut remonter jusqu’en 2005 pour trouver un niveau de consommation électrique corrigé du climat (453 TWh) inférieur à celui de 2022. À cette époque, en effet, la consommation française n'avait pas encore atteint le "plateau" de relative stabilité des années 2010.
Evolution de la consommation corrigée
- Année incomplète
- Données provisoires
Détails et source
Ce graphique présente une vision annuelle et mensuelle de la consommation d’électricité corrigée des aléas climatiques
Évolution au cours de l’année 2022
Sur la première partie de l’année 2022, la consommation est restée relativement proche des niveaux les plus faibles observés au cours de la période 2014-2019 malgré une forte hausse des prix sur les marchés de gros de l’électricité. En effet, ces derniers ne se répercutent que partiellement et de manière progressive sur les prix payés par les consommateurs finals, en fonction des tarifs auxquels ils souscrivent et des mécanismes de protection dont ils bénéficient. Ainsi, du fait des mesures mises en place pour la protection des consommateurs depuis l’automne 2021 (plafonnement des tarifs réglementés de vente via la mise en place d’un bouclier énergétique, augmentation du plafond ARENH, baisse de la TICFE), l’inflation énergétique en France a été parmi les plus faibles en Europe, ce qui a contribué à limiter les effets de la hausse des prix, en particulier pour les consommateurs résidentiels (dont l’augmentation des tarifs règlementés de vente de l’électricité a été contenue à 4 % à partir du mois de février).
Compte tenu de la situation particulièrement tendue qui se préfigurait pour le système électrique et plus largement pour les approvisionnements en énergie sur l’automne et l’hiver 2022/2023, des préconisations en matière de sobriété énergétique ont été diffusées dès la fin de l’été, visant à réduire d’une part le risque pesant sur la sécurité d’approvisionnement électrique, et d’autre part à maintenir un bon niveau de remplissage des stocks de gaz.
- En août 2022, l’Union européenne a adopté le règlement 2022/1369 qui prévoit une réduction volontaire de la demande de gaz naturel d’au moins 15 % au cours de la période allant du 1er août 2022 au 31 mars 2023, et qui donne au Conseil la possibilité de déclarer une alerte déclenchant une obligation de réduction.
- Le 6 octobre 2022, le gouvernement a présenté un plan de sobriété1 ayant pour objectif une réduction de la consommation énergétique de 10 % à l’horizon 2024. Ce plan repose à la fois sur l’incitation à des éco-gestes citoyens, tels que la réduction de la température de chauffage de consigne ou le décalage du début de la période de chauffage, et à des actions dans les entreprises et les administrations publiques ou les collectivités territoriales comme la réduction de l’utilisation d’eau chaude sanitaire dans les bâtiments, une baisse des températures de chauffage, ou une réduction des périodes et de l’intensité d’éclairage public. Le plan de sobriété incite également les consommateurs à décaler les usages de l’électricité pour réduire les pics de consommation lors des heures de pointe.
- Le 6 octobre 2022 également, l’Union Européenne a adopté un règlement d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie (règlement 2022/1854), contenant une série de mesures concernant la consommation, les recettes des acteurs de marché et la fixation des prix. Ce règlement impose aux États membres de réduire la consommation d’électricité d’au moins 5 % sur les heures de pointe définies par chaque pays, et de viser une réduction totale de la consommation d’électricité de 10 % sur la période allant du 1er décembre 2022 au 31 mars 2023.
- Un dispositif temporaire (pour 6 mois à partir du 15 octobre 2022 et jusqu’au 15 avril 2023) de décalage du fonctionnement des ballons d’eau chaude sanitaires des heures creuses méridiennes (12h-14h) vers la nuit est également entré en vigueur depuis la mi-octobre, ce qui a permis de lisser les appels de puissance en milieu de journée.
- En parallèle, RTE a fait évoluer le dispositif EcoWatt 2 national (existant à cette maille depuis 2020 et à la maille territoriale depuis 2012), qui permet désormais d’alerter les consommateurs à l’avance (J-3) des périodes de tension sur le système électrique nécessitant des gestes additionnels de réduction ou de décalage de la consommation pour repousser le risque de coupures. Environ 3503entreprises françaises, collectivités et autres acteurs publics et privés se sont également engagées à agir en faveur de la sécurité d’approvisionnement en signant la charte EcoWatt, qui prévoit l’adoption d’actions de modération ou de décalage de consommation.
Dans ce contexte, un décrochage vis-à-vis des valeurs historiques de consommation est apparu à partir du mois de septembre : la consommation (corrigée de l’aléa météorologique) a été inférieure de 5,5 % à la moyenne des mois de septembre des années 2014-2019. Cette baisse a d’abord touché les acteurs industriels, plus exposés aux hausses des prix de l’énergie, et en particulier les branches à plus forte intensité énergétique telles que la chimie, la métallurgie et la sidérurgie (respectivement -12 %, -10 % et -8 % de baisse de consommation sur l'année 2022 par rapport à 2021), suivant en cela une tendance européenne.
La baisse de consommation s’est confirmée et intensifiée au cours des mois suivants. En octobre, la consommation corrigée de l’aléa météorologique a baissé de 3,3 TWh (-8,7 %) par rapport à la même période des années d'avant crise (moyenne 2014-2019). Comme le mois précédent, cette baisse de la consommation a touché le secteur de l’industrie mais s’est élargie également aux secteurs résidentiel et tertiaire, bien que le gisement disponible pour les économies d’énergie fût encore relativement faible car situé avant le début de la saison de chauffage.
Au cours des mois de novembre et décembre 2022, l’écart par rapport aux années avant crise sanitaire s’est accentué pour atteindre une réduction de respectivement 9,4 % et 9,0 %. Cette baisse désormais consolidée a touché l’ensemble des secteurs (industriel, tertiaire, résidentiel). La consommation agrégée des secteurs tertiaire et résidentiel (majoritaire en volume) a notamment été 6 % à 7 % plus faible en novembre et décembre que son niveau de 2021 (ce qui représente environ 7 TWh). La consommation de la grande industrie a baissé de 15 % sur les quatre derniers mois de l'année (environ 2 à 3 TWh). Dans les secteurs industriels de la chimie, de la métallurgie et de la sidérurgie évoqués plus haut, la baisse a été de l'ordre de 20 % entre septembre et décembre.
Il reste difficile de départager l'effet sur la consommation de la contrainte économique et des actions en faveur de la sobriété énergétique. En effet, malgré le bouclier tarifaire concernant les tarifs de l’électricité pour les particuliers, la pression inflationniste pesant sur le budget global des ménages a pu inciter aux économies même en l'absence de réévaluation des tarifs. Dans le même temps, la mobilisation nationale réussie en faveur des économies d’énergie de la part des particuliers et des entreprises a joué un rôle important.
Focus : Suivi de la consommation d'électricité en France
Une consommation brute en nette baisse en lien avec des températures exceptionnellement élevées
À la baisse de la consommation liée à la crise énergétique et aux efforts en faveur des économies d’énergie, visibles dans l’analyse de la consommation corrigée du climat détaillée dans la partie précédente, s’ajoute celle liée à l'effet des conditions climatiques anormalement chaudes. Ainsi, la réduction de la consommation brute, c’est-à-dire non corrigée des effets du climat, est encore plus marquée. Elle s’est élevée en 2022 à 452,8 TWh, soit une réduction de 4 % par rapport à 2021 (et de 4 % par rapport à 2019).
Evolution de la consommation brute
- Année incomplète
- Données provisoires
Détails et source
Ce graphique présente une vision annuelle et mensuelle de la consommation d’électricité brute, c’est-à-dire non corrigée des aléas climatiques.
L’année 2022 a été l’année la plus chaude depuis le début du XXème siècle, détrônant l’année 2020 qui détenait précédemment ce record4. Les températures ont été plus élevées que les normales de saison sur la plupart de l’année. La température moyenne sur l’année a atteint 14,5°C, soit 1,6°C au-dessus des normales saisonnières calculées sur la période 1991-2020.
Ces températures très élevées, en particulier lors des épisodes de canicule et de sécheresse de l’été, ont eu un effet notable sur le système électrique, en ce qui concerne notamment les stocks hydrauliques ou les dérogations rendues nécessaires concernant les températures de rejet de l’eau des centrales nucléaires sur certaines périodes (voir partie Production). L’effet est également remarquable sur la consommation brute d’électricité, notamment sur l’automne et l’hiver, avec la réduction des besoins de chauffage. Le mois d’octobre, en particulier, a été le plus chaud jamais enregistré depuis 19005. L’été a également été particulièrement chaud (derrière seulement l’été 2003), ce qui a eu un léger effet haussier sur la consommation liée à l’usage de la climatisation. En revanche, certaines journées particulièrement froides en hiver ont tout de même engendré des pics de consommation dépassant les 80 GW, avec un maximum annuel observé de 87,3 GW le 14 janvier 2022 à 9h30 (contre un maximum en 2021 de 88,7 GW le 11 janvier à 19h00).
En savoir plus : Pourquoi corriger la consommation du climat ?
La consommation corrigée du climat est la consommation qui aurait eu lieu si les températures avaient été alignées sur les températures normales pour la période. Ce calcul est réalisé chaque année sur les données de consommation. De cette manière, il est possible d’identifier les variations de consommation dues à des tendances structurelles (démographie, activité économique) ou à la conjoncture (crise sanitaire, efforts de sobriété,…) de ce qui relève uniquement des variations de température et de la thermosensibilité du système électrique français. Par exemple, si lors d’une semaine d’hiver les températures sont plus élevées que la normale, la consommation brute (c’est-à-dire non corrigée) sera plus faible que la consommation ramenée aux températures normales.
En 2022, une consommation en baisse également dans d’autres pays européens
Comme pour la France, la consommation électrique des autres pays de l’Union européenne a été fortement affectée par la crise énergétique en 2022.
Dans chaque pays, les pouvoirs publics ont mis en place des mesures variées de protection qui ont permis de limiter dans différentes proportions les répercussions de la crise sur les prix à destination des consommateurs finals. À titre de comparaison, les augmentations de prix constatées par Eurostat pour les consommateurs résidentiels entre fin 2021 et début 2022 étaient de 37,9 % pour l’Italie, 32,2 % pour l’Espagne, 25 % pour la Belgique contre 7,2 % pour la France et 2,7 % pour l’Allemagne6.
Des mesures incitant aux économies d’énergie ont également été largement partagées. Ainsi, l’Union européenne a adopté deux règlements incitant à une réduction volontaire de la consommation de gaz naturel de 15 % sur la période août 2022 – mars 2023 et à une réduction volontaire de la consommation globale d’électricité de 10 % sur la période décembre 2022 – mars 2023. En complément, le deuxième règlement fixe un objectif contraignant de réduction de consommation d’électricité de 5 % sur les heures de pointe.
Afin d’atteindre ces objectifs, des plans de sobriété ont été déclinés par chacun des pays européens. Ces plans visent à réduire la consommation énergétique globale et portent, entre autres, sur les températures de consigne de chauffage et de climatisation, la réduction des horaires d’ouverture des commerces (en Espagne, certaines enseignes doivent fermer plus tôt), ou la régulation de l’éclairage public (par exemple, en Allemagne, les monuments qui ne contribuent pas à la sécurité routière ne peuvent plus être illuminés)7.
Enfin, les conditions climatiques ont également été exceptionnelles chez les autres pays européens. L’année 2022 est l’année la plus chaude observée depuis 1881 en Allemagne, depuis 2020 en Belgique (qui était l’année la plus chaude depuis 1833), depuis 1916 en Espagne et depuis 1800 en Italie8.
1 Plan de sobriété énergétique.
3 Vu de début février 2023.
4 Météo France, bilan climatique annuel 2022.
5 Météo France, bilan climatique annuel 2022.
6 https://ec.europa.eu/eurostat/fr/web/products-eurostat-news/-/ddn-20221031-1
8 https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/2022-annee-la-plus-chaude-en-france