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BE 2024 - Émissions

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Les émissions de gaz à effet de serre du système électrique français ont atteint en 2024 un minimum historique, pour la deuxième année consécutive

Les émissions liées à la production d’électricité en France se sont élevées à 11,7 MtCO2eq en 2024, leur niveau le plus faible depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. Il s’agit d’une baisse de près de 30 % par rapport à l’année 2023, lors de laquelle les émissions liées à la production française avaient déjà atteint un niveau historiquement bas (16 MtCO2eq). Cette baisse s’est produite alors même que la production domestique a augmenté dans le même temps. Ainsi, l’intensité carbone de la production d’électricité française a baissé de près d’un tiers par rapport à celle de 2023 : elle a atteint 21,7 gCO2eq par kilowatt-heure produit sur l’année 2024. Le recours à la production d’électricité d’origine fossile a été particulièrement peu fréquent ce qui explique ces niveaux d’émissions particulièrement faibles (voir le chapitre Production) ; en particulier, le recours aux filières fossiles les plus émissives, le charbon et le fioul, a été quasi-nul. Les émissions du système électrique français sont restées en 2024 parmi les plus faibles d’Europe ; c’était également le cas en 2023, mais également en 2022, au plus fort de la crise qui a affecté le parc de production français et entrainé un recours accru à la production fossile. Malgré une consommation d’électricité par habitant relativement élevée par rapport à des pays européens comparables1, la production d’électricité pèse peu dans le bilan carbone national : moins de 5 % en France, contre 22 % pour l’Allemagne, 19 % pour l’Espagne et 21 % en moyenne pour l’Union européenne2 3.

L’intensité carbone du mix de production français en 2024 est d’ores et déjà du même ordre de grandeur que l’intensité prospective à l’horizon 2030 dans les travaux de RTE.  Ainsi, même si le mix électrique français est déjà largement décarboné (à la hauteur de 95 %), l’enjeu pour les années à venir réside dans l’augmentation du volume d’électricité décarbonée produite pour alimenter des besoins croissants en électricité qui résulteront de la sortie progressive des énergies fossiles dans tous les secteurs (transports, industrie, bâtiments tertiaires et résidentiels ; voir le chapitre Électrification des usages) ou de nouveaux usages (data centers, électrolyseurs). Pour l’horizon 2030, le projet de PPE mis en consultation fin 2024 table sur plus de 620 TWh de production ; en 2050, dans tous les scénarios étudiés par RTE, la production dépasse 680 TWh ; en 2024, la production d’électricité française s’élevait à moins de 540 TWh.

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En raison notamment de la part importante du chauffage électrique. En 2021, la consommation était d’environ 7 200 kWh/habitant en France, contre 6 000 kWh/habitant en Allemagne, 5 500 kWh/habitant dans l’Union européenne, et moins de 5 000 kWh/habitant en Espagne et en Italie (source : Eurostat).

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Sources : CITEPA, Rapport Secten 2023 ; European Environment Agency ; Eurostat ; ENTSO-E ; calculs : RTE.

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Les émissions territoriales de l’Union européenne se sont élevées à 3 735 MtCO2eq en 2021 (source : European Environmental Agency). Les émissions dues à la production d’électricité dans l’Union européenne ont atteint 783 MtCO2eq (source : Ember Climate, Yearly electricity data, 2024).

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Largement décarbonée depuis la fin des années 1980, la production française d’électricité l’est encore plus depuis les années 2010

À partir de la seconde moitié du 20ème siècle, il est possible d’identifier quatre grandes périodes pour le système électrique français du point de vue des émissions de gaz à effet de serre4:

  • Avant 1945, l’électricité occupait une place relativement restreinte dans le système énergétique du pays. Au cours de cette première moitié du 20ème siècle, son usage se généralise, notamment pour l’éclairage, mais il n’existait pas encore de réseau de transport unifié, et les installations de production étaient pour la plupart privées, à usage industriel. L’essentiel de la production était issu du charbon et de l’hydraulique ;
  • De l’après-guerre jusqu’à la fin des années 1970, la production restait fortement carbonée ; la croissance importante de la consommation d’électricité (+1 % par an en moyenne), dans un contexte de fort développement économique et d’électrification du pays, était couverte essentiellement par l’hydroélectricité, les centrales au charbon et au fioul. Ainsi, l’intensité moyenne de la production d’électricité en France se maintint entre 400 et 500 gCO2eq/kWh. En 1976, les émissions annuelles liées à la production d’électricité en France atteignaient près de 100 MtCO2eq ;
  • Durant les années 1980, la mise en service à un rythme soutenu des réacteurs nucléaires qui composent le parc actuel, en parallèle de la poursuite de la croissance de la consommation nationale d’électricité (+0,4 % par an en moyenne sur la décennie), a eu pour effet une décarbonation très rapide du mix électrique français5. Ce déploiement a vu le parc au fioul quasiment disparaître et les émissions liées au charbon diminuer de moitié entre 1980 et 1990. En conséquence, l’intensité carbone de la production française a été divisée par quatre en dix ans : en 1990, elle était inférieure à 100 gCO2eq/kWh ;
  • Entre 1990 et la fin des années 2000, les émissions et l’intensité en émissions de la production sont restées relativement stables. Le mix électrique était dominé par le nucléaire, mais une partie (entre 10 et 20 GW) du parc thermique fossile, notamment au charbon, était encore en fonctionnement. Les émissions de gaz à effet de serre (entre 20 et 40 MtCO2eq) et l’intensité carbone (autour de 75 gCO2eq/kWh) sont restées stables sur la période ;
  • À partir du début des années 2010, avec le rehaussement des objectifs en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants, le parc de production au fioul et au charbon a été progressivement réduit. En même temps, des centrales à gaz, moins émettrices à parité d’énergie produite, les ont remplacées dans le rôle de moyens de production de pointe. La décennie 2010 a également été marquée par le fort développement de l’éolien et du solaire. Tous ces facteurs ont contribué ensemble à faire baisser encore l’intensité de la production d’électricité française, qui a atteint 45 gCO2eq/kWh en moyenne au cours de la période 2010-2024.
     
Émissions directes de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité en France et intensité en émissions de la production d’électricité française entre 1950 et 2024
Données bilans électriques RTE
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Aujourd’hui, le mix électrique français est l’un des plus décarbonés d’Europe, en raison de la prédominance des sources de production bas-carbone : le nucléaire, l’hydraulique et plus récemment l’éolien et le solaire. De plus, au cours des vingt dernières années, des moyens de production parmi les plus fortement émetteurs (charbon et fioul) ont été progressivement fermés. En outre, la position habituellement largement exportatrice de la France permet aux pays européens interconnectés d’importer de l’électricité bas-carbone pour couvrir une partie de leur consommation, améliorant ainsi le bilan carbone à l’échelle européenne.

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Les facteurs d’émissions des différentes filières production utilisés pour le calcul des émissions sur toute la période 1950-2024 sont les facteurs d’émissions actuels (voir Annexe). En toute rigueur, il faudrait tenir compte du fait que les facteurs d’émissions ont tendance à diminuer (très lentement) dans le temps avec l’amélioration de l’efficacité des centrales, les évolutions concernant la qualité des combustibles fossiles, etc. Cependant, l’approximation qui est faite ici n’est pas de nature à modifier substantiellement les résultats de l’analyse.

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L’objectif principal étant à l’époque l’amélioration de la souveraineté énergétique et non pas la décarbonation du mix.

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Des émissions historiquement basses malgré un léger regain de la consommation domestique et une hausse massive des exportations

En 2022, la crise de la production en France avait conduit à une hausse réelle mais contenue des émissions du système électrique français (voir le chapitre Émissions du Bilan électrique 2022). Après cet épisode singulier, les émissions avaient très rapidement retrouvé un niveau particulièrement bas : entre 2022 et 2023, les émissions liées à la production avaient baissé de près d’un tiers, atteignant 16 MtCO2eq, leur niveau le plus faible depuis 1953. Cette baisse s’expliquait essentiellement par le regain de la production bas-carbone, et particulièrement le redressement de la production nucléaire. En 2024, cette tendance s’est poursuivie et même accentuée : les émissions directes totales liées à la production d’électricité nationale se sont élevées à 11,5 MtCO2eq ; c’est une nouvelle fois un niveau historiquement bas, qui correspond même à celui du début des années 1930 (la production, intégralement au charbon, était alors près de 30 fois moins importante qu’aujourd’hui).

Émissions directes de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité en France (axe de gauche) et intensité en émissions de la production d’électricité française (axe de droite) entre 2014 et 2024
Données bilans électriques RTE
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Évolution de la production décarbonée en France (axe de gauche) et part décarbonée de la production totale (axe de droite) entre 2014 et 2024
Données bilans électriques RTE
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Un peu moins de trois quarts des émissions liées à la production provient de la filière au gaz, qui permet d’assurer l’équilibre du système lors des périodes de consommation importante. Ces émissions « résiduelles » du mix français sont à envisager, au moins dans le court  terme, dans la mesure où elles permettent le bon fonctionnement du système et le développement par ailleurs du parc de production décarboné, et donc de la décarbonation du mix dans son ensemble ; les temps de fonctionnement des moyens carbonés sont faibles et limités aux moments où cela est nécessaire pour assurer l’équilibre offre-demande : cela représente des émissions extrêmement faibles par rapport au service rendu au système. Environ un quart du volume d’émissions provient de la production d’électricité à partir de l’incinération de déchets non-renouvelables, une filière largement fatale. Le recours à la production au charbon en 2024, et donc les émissions associées, ont été quasi-nuls : moins de 300 ktCO2eq sur l’ensemble de l’année ; cela représente à peu près l’équivalent d’une journée d’émissions liées au transport routier en France.

Même en tenant compte des émissions sur le cycle de vie, les émissions liées au système électrique français restent très faibles

L’intensité carbone liée à la production d’électricité peut être calculée en considérant uniquement les émissions directes, comme c’est le cas dans les paragraphes précédents, ou en incluant toutes les émissions liées à la production d’électricité sur le cycle de vie. Ce dernier permet de prendre en compte, en plus des émissions directes liées à la combustion en centrale (pour les centrales alimentées par les combustibles fossiles), l’ensemble des émissions liées au cycle de vie des installations de production : de l’extraction et le transport des combustibles et des matières premières ou des équipements, à la construction des infrastructures permettant la production d’une quantité donnée d’énergie. Certaines sources de production, comme l’éolien, le solaire et l’hydraulique, n’entrainent pas d’émissions directes, mais la construction des barrages, la fabrication et le transport des panneaux solaires et des éoliennes et leur installation, génèrent des émissions indirectes qui sont prises en compte dans cette approche6.


En tenant compte des émissions liées au cycle de vie, les émissions liées à la production d’électricité en France ont atteint 15,9 MtCO2eq en 2024, contre 23 MtCO2eq en 2023. Tout comme les émissions directes, les émissions sur le cycle de vie restent très inférieures en France par rapport à celles d’autres pays. L’intensité, au périmètre du cycle de vie, a atteint 30,2 gCO2eq/kWh, une valeur historiquement faible comme pour l’intensité au périmètre des émissions directes.

Émissions au périmètre cycle de vie de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité en France (axe de gauche) et intensité de la production d’électricité française (axe de droite) entre 2014 et 2024
Données bilans électriques RTE
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À mesure que la part des filières thermiques fossiles diminue dans le mix de production, la part des émissions liées aux émissions directes issues de la combustion diminue, et, mécaniquement, la part des émissions liées au reste du cycle de vie des moyens de production augmente. Celles-ci sont tout de même faibles : malgré une part aujourd’hui importante dans le mix, la contribution cumulée de l’éolien, du solaire et de l’hydraulique aux émissions sur le cycle de vie de la production d’électricité reste très faible. Elles ont représenté en 2024 environ 15 % des émissions totales sur le cycle de vie liées à la production d’électricité en France (1,9 MtCO2eq) dans le même temps que leur contribution au mix électrique du pays était de 28 % ; à titre indicatif, c’est moins de 0,5 % de l’empreinte carbone du pays7.

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Les émissions de gaz à effet de serre sur le cycle de vie des énergies décarbonées restent très faibles par rapport à celles des moyens thermiques fossiles : 16 gCO2eq/kWh pour l’éolien terrestre, 17 gCO2eq/kWh l’éolien en mer, 43 gCO2eq/kWh pour le solaire photovoltaïque, 7 gCO2eq/kWh pour le nucléaire, 6 gCO2eq/kWh pour l’hydraulique, à comparer avec 941 gCO2eq/kWh pour les centrales au charbon, 928 gCO2eq/kWh pour les centrales au fioul et 389 gCO2eq/kWh pour les cycles combinés gaz, qui sont les centrales au gaz les plus performantes.

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L’empreinte carbone désigne l’ensemble des émissions, domestiques ou à l’étranger, qui sont attribuables à la consommation intérieure d’un pays donnée. Celle-ci comptabilise donc les émissions générées à l’étranger par la production de bien ou de services consommés dans le pays en question, mais pas les émissions générées dans le pays en question par la production de biens ou de service qui sont consommés à l’étranger. C’est une notion proche du cycle de vie, mais distincte : l’empreinte carbone repose sur l’attribution d’émissions à la consommation d’un territoire donné, alors que l’analyse du cycle de vie repose sur l’attribution d’émissions à un usage, une activité ou un objet donné. La part de l’empreinte carbone que constituent les émissions sur le cycle de vie des filières renouvelables est ici donnée à titre indicatif, la valeur pour 2024 de l’empreinte n’étant pas encore connue.

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Les exportations d’électricité bas-carbone française sont un atout pour le système électrique européen

Émissions évitées par les exports de la France vers les pays européens au cours de la période 2017-2024
Données bilans électriques RTE
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La production d’électricité française étant déjà largement décarbonée, les exportations d’électricité françaises, qui ont atteint un niveau record en 2024 (89 TWh, voir le chapitre Échanges), contribuent à éviter des émissions ailleurs en Europe. Pour évaluer celles-ci, il est possible de comparer, pour chaque heure, l’intensité de la production française avec celle des pays vers lesquelles l’électricité est exportée. Les émissions évitées sont ainsi fonction d’une part du différentiel d’intensité carbone entre les mix de production de la France et des autres pays, et d’autre part de la quantité d’électricité exportée. En 2024, les exportations de la France ont permis d’éviter l’émission près de 20 MtCO2eq en Europe. Plus d’un tiers de celles-ci ont été évitées en Italie, et un quart en Allemagne. Ce niveau record s’explique en grande partie par l’effet volume : le niveau très important d’exportations a compensé l’effet de la décarbonation progressive de la production ailleurs en Europe (voir le chapitre Europe) – et donc la baisse du différentiel d’intensité carbone entre la France et les autres pays.

Émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation d’électricité en France entre 2017 et 2024
Données bilans électriques RTE
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Près de 15 % des émissions liées à la production d'électricité en France ont été émises pour produire de l’électricité qui a été exportée. Les émissions liées strictement à la consommation française d’électricité se sont élevées à 10,0 MtCO2eq, soit l’équivalent de moins de trois semaines d’émissions liées au transport routier en France8, ou encore moins que les émissions annuelles d’un pays comme le Luxembourg9.

Même à la maille horaire, l’intensité carbone du système électrique français est restée contenue toute l’année

Même dans un système électrique bas-carbone, l’intensité de la production et de la consommation sont susceptibles de connaître des sursauts ponctuels. Ceux-ci se produisent habituellement surtout en hiver, lors des périodes de consommation importante, lors desquelles il est nécessaire de faire appel à des moyens de production thermique fossile, et éventuellement aux importations depuis des pays dont la production est plus carbonée. En 2023, par exemple, malgré une très bonne performance d’ensemble, l’intensité carbone de la consommation avait dépassé 100 gCO2eq/kWh lors d’environ 3 % du temps.

Monotone d’intensité en émissions directes de gaz à effet de serre de la consommation d’électricité française au cours de différentes périodes
Données bilans électriques RTE
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En 2024, fait notable, l’intensité est restée contenue même lors des périodes de forte consommation : elle a atteint un maximum 67 gCO2eq/kWh ; c’est moins que ce qu’était encore l’intensité moyenne de la production française en 2010. 


Près de la moitié du temps, l’intensité de la production comme de la consommation a été en dessous de 10 gCO2eq/kWh, une valeur pratiquement incompressible. Ce niveau, qui s’apparente à « l’intensité de fond » du système, correspond aux émissions liées aux filières dont la production d’électricité est indépendante du fonctionnement global du système ; parmi celles-ci, on trouve essentiellement l’incinération des déchets d’une part, et d’autre part les cogénérations, qui produisent de la chaleur pour les réseaux de chauffage urbains ou pour l’industrie, et injectent l’électricité sur le réseau en tant que produit secondaire. Cette « intensité de fond » peut être rapprochée de l’intensité résiduelle liée au système électrique dans les scénarios prospectifs (voir la section introductive du présent chapitre).
 

tableau de synthèse
Données bilans électriques RTE
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Grâce à la décarbonation progressive du mix européen depuis plusieurs années, le peu d’électricité que la France importe depuis ses voisins est désormais nettement moins carbonée que celle produite par les centrales à gaz les plus efficaces. C’est le signe qu’une part importante de cette électricité est générée par des moyens de production bas-carbone.

Intensité carbone (émissions directes) moyenne annuelle liées aux importations de la France
Données bilans électriques RTE
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CITEPA, Rapport Secten Mensuel 2022.

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Joint Research Center of the European Commission, IEA-EDGAR CO2 database.