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BE 2024 - Flexibilités

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Des besoins en augmentation sous l’effet du développement des énergies renouvelables

Le fonctionnement du système électrique nécessite un équilibre à chaque instant entre production et consommation d’électricité. Le maintien de cet équilibre s’est principalement reposé, jusqu’à présent, sur la flexibilité offerte par les moyens de production pilotables (notamment les unités de production nucléaires, thermiques fossiles et hydrauliques de lac). D’autres leviers comme des adaptations de la consommation ou le recours au stockage contribuent également à assurer l’équilibre entre offre et demande, mais dans une moindre mesure par rapport à la flexibilité de la production. Par ailleurs, les échanges avec les pays voisins, qui permettent d’optimiser le fonctionnement du système électrique à l’échelle européenne en permettant une mutualisation des moyens, constituent également un élément important pour l’équilibrage du système électrique en temps réel.

L’adaptation du profil de consommation au profil de production, ou « flexibilité de la demande », est donc un des leviers existants pour garantir l’équilibre offre-demande, qui devient de plus en plus nécessaire avec la croissance des volumes d’électricité renouvelable fatale (éolienne et solaire) produits. Cependant, il ne s’agit pas d’un concept nouveau : notamment, la diffusion du tarif « heures creuses » à partir des années 1960 a permis de déplacer une partie de la consommation des heures diurnes, où elle est plus élevée, vers les heures nocturnes (où elle est généralement faible) grâce à un tarif d'électricité plus attractif pour le consommateur. Ce lissage de la demande est très adapté au mix historique français, reposant principalement sur le nucléaire, car d’une part il permet de solliciter moins de moyens de production carbonés, plus coûteux, pendant la journée, d’autre part  de réduire la modulation à la baisse du nucléaire pendant la nuit. C’est notamment pour offrir un débouché à l’abondante production nucléaire nocturne que s’est développé l’asservissement des ballons d’eau chaude au signal « heures creuses » au cours des années 1980.

Aujourd’hui, le développement de la production éolienne et solaire entraîne donc une augmentation des besoins de flexibilité, qui peuvent concerner des adaptations « structurelles » du profil de consommation (par exemple pour profiter de l’abondance de production solaire en début d’après-midi), de manière analogue à l’adaptation qui a accompagné le développement du nucléaire. Des adaptations plus ponctuelles existent, ainsi que d’autres leviers comme le développement de solutions de stockage, les batteries pour le très court terme, et le power-to-gas pour le stockage inter-saisonnier. 

Il existe en effet différents types de flexibilités permettant d’adresser des besoins variés. Il est possible de les classifier de manière séquencée dans le temps, avec un volume d’énergie déplacée qui décroit à l’approche du temps réel :

  • Les flexibilités structurelles et régulières représentent l’essentiel des besoins de flexibilités, qui sont largement prévisibles longtemps à l’avance (au regard de la forme naturelle de la courbe de charge, de la production solaire en journée, ...). L’enjeu réside dans le positionnement des arrêts de moyens de production pilotable par rapports aux périodes de plus faible consommation (en été, le week-end) et dans la modification des courbes de charge de manière structurelle pour positionner la consommation lorsque l’électricité bas-carbone est abondante.
  • Les flexibilités dynamiques adressent des besoins qui sont prévisibles avec une avance qui va de quelques jours jusqu’à quelques heures (infra-journalier), notamment en réaction aux incertitudes liées aux conditions météorologiques (production éolienne, thermo-sensibilité de la consommation) ;
  • Les flexibilités d’équilibrage viennent remédier aux aléas (pannes, incidents) ou aux incertitudes liées à des changements soudains des conditions météorologiques qui représentent un enjeu pour la gestion de l’équilibre entre offre et demande en temps réel ; leur besoin total ne représente pas plus de quelques GW, et n’augmentera que marginalement malgré l’évolution du mix de production ;
  • Les flexibilités de sauvegarde concernent les besoins requis pour faire face aux situations exceptionnelles affectant l’équilibre offre-demande. La mobilisation de ce type de flexibilité repose actuellement principalement sur le signalement par le dispositif Ecowatt des journées et heures les plus à risque.

Les trois premiers types de flexibilités sont mobilisés tous les jours et peuvent être valorisés dans le cadre du fonctionnement des marchés de gros et d’équilibrage, alors que les flexibilités de sauvegarde répondent à des besoins exceptionnels et ponctuels.

Différents types de flexibilités, en fonction du besoin et de la temporalité
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La flexibilité de la demande : un gisement de flexibilité important, mobilisable dès à présent

La flexibilité de la consommation peut répondre aux différents types de besoins de flexibilité. Il est en effet aisé de programmer certaines consommations pour qu’elles aient lieu pendant les heures creuses (voir focus ci-dessous) plusieurs mois voire plusieurs années à l’avance, mais il est également possible d’optimiser le placement de certains usages jusqu’à la veille pour le lendemain, grâce notamment au développement de technologies comme l’internet des objets (IoT).

À long terme, elle représente donc un enjeu primordial dans la gestion d’un mix électrique avec une forte part d’énergies renouvelables. Elle permet d’optimiser le fonctionnement du système, en positionnant la consommation lorsque la production décarbonée à faible coût (renouvelable et nucléaire) est abondante, réduisant la consommation pendant les heures où le recours aux unités de production thermiques fossiles, plus coûteuses et polluantes, serait nécessaire. 

De plus, la flexibilité de la demande apparaît comme un moyen efficace et relativement peu onéreux, puisqu’il ne nécessite pas, dans de nombreux cas, d’investissements importants et présente des enjeux moindres de consommation de matériaux. Cela représente un avantage par rapport au stockage par batterie, qui peut rendre un service de flexibilité similaire (décaler de quelques heures les profils de production ou de consommation).

Illustration (prospective) de l’effet des flexibilités sur le placement de la consommation lors des pics de production décarbonée
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Plusieurs usages, que ce soit dans le secteur résidentiel, dans le tertiaire ou dans l’industrie, peuvent être flexibles, et le sont déjà dans de nombreux cas : il s’agit par exemple de l’eau chaude sanitaire, des lave-vaisselle, lave-linge et sèche-linge, du chauffage/climatisation ou de certains procédés industriels. L’électrification de consommations aujourd’hui largement couvertes par des combustibles fossiles (mobilité, procédés industriels, chauffage) et l’apparition de nouveaux usages (comme les électrolyseurs) présentent un enjeu important en matière de flexibilité du système. En effet, il s’agit de volumes significatifs de consommation additionnelle, mais qui seront au moins en partie pilotables. La mobilité électrique, la production d’hydrogène par électrolyse ou le chauffage électrique dans les bâtiments permettent d’adapter au moins en partie le profil de consommation à la production bas-carbone et aux périodes où les prix de l’électricité sont les plus faibles sur les marchés de gros. En effet, les batteries des véhicules électriques permettent de stocker l’énergie, ce qui permet de décaler la recharge dans une certaine mesure, l’hydrogène est stockable dans des infrastructures adaptées et le chauffage peut être modulé ou décalé en utilisant l’inertie des bâtiments.. Ces usages représentent ainsi une opportunité pour flexibiliser le profil de consommation et optimiser le fonctionnement du système.

Un indicateur utile pour analyser les besoins de flexibilité est la courbe de consommation résiduelle, c’est-à-dire la consommation retranchée des production fatales à coût marginal nul (voir la suite du chapitre).

La réforme du placement des heures pleines - heures creuses

La CRE a récemment acté1 une réforme du placement des heures pleines et heures creuses, qui sera mise en œuvre à partir de novembre 2025 et se poursuivra jusqu'à fin 2027. Elle a pour finalité de mettre en adéquation les plages d’« heures creuses »2 avec les besoins du système électrique, notamment du fait du développement de la production solaire.

Le dispositif « heures pleines/heures creuses » (HP/HC) répartit les heures de la journée en deux catégories : 16 heures « pleines » et 8 heures « creuses », permettant aux consommateurs de bénéficier de tarifs réduits pendant les heures creuses.

Actuellement, pour 5,7 des 14,5 millions de clients qui bénéficient de ce tarif, les heures creuses sont placées en partie pendant l’après-midi3 et en partie pendant la nuit4. Pour les 8,8 millions de clients restants, les heures creuses sont exclusivement concentrées pendant les heures de nuit. Le placement de ces heures est déterminé par le gestionnaire du réseau de distribution, en prenant en compte les contraintes locales du réseau. Ainsi, la répartition des heures pleines et creuses présente une hétérogénéité selon les zones desservies.

La réforme du placement des heures creuses vise à adapter ces plages horaires aux nouvelles réalités du réseau électrique et à l'augmentation de la production solaire. Ainsi, une partie des heures creuses de nuit sera déplacée vers l'après-midi, pour profiter de la production solaire peu couteuse et abondante, notamment en printemps et en été. Le placement des heures creuses pourra, pour une partie des clients, être différent entre les périodes hivernales et estivales5. Au terme de cette évolution, environ 13,1 millions de foyers bénéficieront de plages d’heures creuses réparties sur deux périodes (après-midi6 / nuit7), au moins en été, tandis que 1,4 million de foyers conserveront uniquement des heures creuses la nuit. Il est prévu que 5 heures creuses soient systématiquement placées la nuit, laissant ainsi un maximum de 3 heures creuses en après-midi.

En 2024, pour les 8,8 millions de clients bénéficiant du tarif heures pleines - heures creuses et ne disposant d’heures creuses que la nuit, on observe que pour les 5% des prix spots les plus bas seulement 15 % d’entre eux se sont produits durant des heures susceptibles d'être creuses8. Avec les nouvelles plages horaires, ce pourcentage aurait été de 93 %. Cela démontre le désalignement qui existait entre prix de gros et de détail et le fort intérêt à mieux aligner les heures creuses sur les périodes de production photovoltaïque élevée. Ce repositionnement des HC/HP peut contribuer à optimiser le fonctionnement du système, diminuant l’apparition de prix spot négatifs et le volume de production renouvelable écrêté pendant ces occurrences. La dernière section de ce chapitre fournit des détails sur les écrêtements de production renouvelable.

1

Dans sa délibération tarifaire « TURPE (Tarif d’Utilisation des Réseaux Publics d’Electricité) 7 »

2

Cela ne concerne que le tarif « Heures pleines / heures creuses », et pas le tarif « Tempo » par exemple.

3

De 12h à 17h00

4

De 20h à 8h00

5

C’est-à-dire du 1er avril au 31 octobre

6

De 10h à 18h00 en été, de 11h à 17h00 en hiver

7

De 23h à 7h00 en été, de 21h à 7h00 en hiver

8

Pour les 60 % des clients n'ayant que des heures creuses nocturnes, il y a 12 heures susceptibles d'être creuses. Après la réforme, ce nombre passe à 16 heures.

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Le stockage : un levier utile, mais présentant des contraintes de coût et/ou de gisements disponibles

Le stockage est un autre levier de flexibilité pour le système électrique, permettant de répondre à différents besoins. Le principe du stockage est d’absorber les surplus d’énergie produite, notamment lorsque la consommation est faible, pour les restituer lors des pics de consommations. Cela peut avoir lieu de manière régulière et récurrente, par exemple en stockant de l’énergie dans l’après-midi en été pour la restituer le soir, ou bien de façon dynamique, en fonction des prix spot disponibles la veille pour chaque heure du lendemain. Les technologies disposant de temps de réponse rapide, comme les batteries, permettent aussi de participer à la flexibilité d’équilibrage, que ce soit via le mécanisme d’ajustement ou en participant aux services-système fréquence. Les batteries représentent notamment une part grandissante chaque année des services de maintien automatique de la fréquence en Europe, aussi bien pour la réserve primaire que pour la réserve secondaire.

En France et dans le monde, la quasi-totalité de la capacité installée de stockage d’électricité se répartit entre deux technologies : les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP), qui transfèrent des volumes d’eau importants entre deux lacs d’altitude différente, et les batteries, principalement de type lithium-ion. Au niveau mondial, les STEP ont pendant longtemps représenté la très grande majorité des capacités, mais le développement rapide des batteries ces dernières années rend le rapport aujourd’hui plus équilibré.9 Si le rythme récent d’installation des batteries se poursuit, cette technologie pourrait d’ici un à deux ans dépasser les STEP du point de vue de la puissance installée.

D’autres technologies de stockage voient le jour, aujourd’hui à un stade encore expérimental, comme les batteries thermiques qui permettent de stocker les excédents d’électricité sous forme de chaleur pour ensuite la redistribuer, toujours sous forme de chaleur, majoritairement à des procédés industriels ayant des besoins continus. D’autres exemples notables sont le stockage par air comprimé, et le stockage sous forme d’hydrogène (après électrolyse de l’eau). Des technologies de batteries alternatives au lithium-ion se développent également, avec notamment la première connexion au réseau électrique en 2024 en Chine d’une batterie fonctionnant au sodium10, un matériau abondant et moins couteux.

En France, la capacité de stockage installée la plus importante est celle des stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) qui s’élève en 2024 à 5,0 GW en turbinage et 4,3 GW en pompage. C’est une capacité qui n’a quasiment pas évolué depuis la dernière mise en service d’une STEP, à la fin des années 1980. Le gisement disponible pour de nouvelles installations en France est restreint mais une augmentation modérée de la capacité pourrait cependant rester possible à l’avenir selon les acteurs concernés (le Bilan prévisionnel 2023–2035 de RTE prend en compte dans ses scénarios à l’horizon 2035 0,5 GW à 1,5 GW de capacité de STEP supplémentaires). La France dispose de six stations de pompage-turbinage majeures. La plupart des STEP11 sont « journalières », c’est-à-dire qu’elles peuvent stocker une quantité d’énergie qui correspond à quelques heures de turbinage (de l’ordre de 5 heures par exemple). Il existe en France deux STEP « hebdomadaires » (Grand’Maison et Montézic, 2,1 GW au total en pompage), qui peuvent stocker des volumes plus importants12, permettant par exemple de stocker une partie de l’énergie produite au cours du week-end et de l’utiliser au cours de la semaine suivante. Elles peuvent également contribuer à lisser les variations de production éolienne au cours d’une semaine donnée. 

En revanche, les batteries lithium-ion sont dimensionnées pour stocker un volume d’énergie correspondant à quelques heures de restitution seulement (moins de quatre heures voire moins de deux heures selon le type de système), du fait de coûts élevés associés à leur capacité de stockage. Elles peuvent ensuite conserver cette énergie pour la restituer au système, généralement quelques heures ou quelques dizaines d’heures plus tard13. Ce service est proche de celui offert par la flexibilité de la demande (comme le pilotage de la recharge des véhicules électriques ou le placement de la production d’eau chaude sanitaire au cours des heures de forte production photovoltaïque) et il peut être particulièrement utile dans les scénarios de développement accéléré du photovoltaïque en Europe. L’intérêt du déploiement des batteries est donc largement dépendant du degré de mobilisation de la flexibilité de consommation, et vice-versa. Les analyses des Futurs énergétiques 2050 avaient mis en évidence la concurrence forte entre ces deux types de solutions, qui est confirmée par les études du Bilan prévisionnel 2023–2035. 

À fin 2024, le parc de batteries installé en France s’élève à 1 071 MW. Cela représente une hausse de 216 MW sur l’année, un rythme d’installation en diminution par rapport à celui de l’année 2023 (+317 MW).

Puissance totale des batteries installées en France, en injection, entre 2019 et 2024
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9

World Energy Outlook 2024 – Analysis - IEA A fin 2023, environ 90 GW de batteries installés dans le monde (avec environ 40 GW installés au cours de l’année 2023) et environ 160 GW de STEP (stables depuis une dizaine d’années).

11

Les quatre STEPs de Revin, Super-Bissorte, Cheylas et La Coche

12

Rapport entre énergie stockable et puissance de l’ordre de plusieurs dizaines d’heures

13

C’est aussi un service qui est rendu au système électrique français par les STEP journalières

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L’analyse de la courbe de charge résiduelle montre les enjeux associés à la flexibilité

La consommation résiduelle est la consommation qu’il reste à satisfaire par les moyens de production pilotables, une fois prises en compte les productions renouvelables non pilotables : hydraulique au fil de l’eau, solaire et éolienne.14 Dans sa version non corrigée des effets météorologiques, c’est un indicateur clef pour l’exploitation en temps réel du système électrique, car elle détermine les unités de production pilotables qui sont mobilisées pour répondre à la demande. Dans une finalité pédagogique ou de prospective, pour suivre les tendances et les projeter dans les années à venir, il est possible de « corriger » la consommation résiduelle des effets météorologiques, ce qui permet une comparaison plus aisée entre une année et l’autre15. C’est ce qu’on appelle alors la consommation résiduelle corrigée. La déformation de la courbe de charge résiduelle dans le temps reflète l’évolution du système électrique et peut mettre en évidence l’intégration des nouveaux moyens de production et de consommation. Notamment, si son profil devient plus « plat », cela montrera que les nouveaux usages de l’électricité se placent lors des périodes d’abondance de production décarbonée, voire que des usages existants sont également décalés16.

Jusqu’à récemment, la forme de la consommation résiduelle était très proche de celle de la consommation totale : un plateau pendant la matinée, un creux de faible amplitude en  dans l’après-midi avant la pointe de consommation du soir et un creux plus important pendant la nuit. Toutes choses égales par ailleurs, le développement des énergies renouvelables non pilotables fait évoluer significativement cette forme. Au cours des dix dernières années, le niveau moyen de la consommation résiduelle a progressivement décru, sous l’effet conjoint de l’augmentation de la production renouvelable (principalement éolienne, en ce qui concerne l’effet moyen) et, au cours des quatre dernières années, d’une consommation plus faible que celle des années 2010 (cf. chapitre Consommation). La courbe de consommation résiduelle s’est aussi déformée, principalement en milieu de journée sous l’effet d’une production solaire photovoltaïque de plus en plus importante : le « plateau » qui caractérisait la matinée disparaît progressivement, et la courbe résiduelle se retrouve désormais marquée par deux pointes courtes de quelques heures (le matin et le soir) et deux périodes de creux (la nuit et l’après-midi). En l’absence de flexibilités supplémentaires, ce mouvement devrait s’amplifier et la déformation qu’il est possible de projeter à l’horizon 203017 met en évidence l’intérêt de développer dès aujourd’hui des nouveaux leviers de flexibilité.

Profil journalier de la consommation totale et résiduelle des années 2019, 2024 et 2030
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14

La consommation résiduelle est donc une soustraction entre la consommation totale et la production EnR fatale (photovoltaïque, éolienne et hydraulique au fil de l’eau).

15

Notamment, le Baromètre des flexibilités de consommation d'électricité publié par RTE, Enedis, le GIMELEC, IGNES et Think Smartgrids à l’automne 2024 considère la consommation résiduelle corrigée.

16

Des indicateurs à suivre ont été définis dans le baromètre des flexibilités.

17

Voir également le Baromètre des flexibilités.

Sous l’effet des conditions météorologiques et de facteurs plus structurels, la consommation résiduelle varie à différents horizons de temps, qui vont de l’intra-journalier (d’une heure à l’autre) et jusqu’à l’interannuel (d’une année à l’autre). Par exemple, la production solaire est maximale en milieu de journée, le niveau de consommation (totale) est plus élevé un jour de semaine que le week-end, la production éolienne est généralement plus élevée en hiver qu’en été, ou encore la production éolienne et le volume de consommation peuvent être différents d’un hiver à l’autre en fonction des conditions météorologiques et de la conjoncture économique.

Profil journalier de la consommation totale et résiduelle de 2024
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Évolution des consommations résiduelles mensuelles moyennes en France (non corrigées des effets météorologiques et calendaires)
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Au cours de l’année, les niveaux les moins élevés de la consommation résiduelle sont généralement atteints entre les mois d’avril et d’octobre. Cela s’explique par une consommation qui y est traditionnellement plus faible (notamment parce qu’il n’y a plus de chauffage à ce moment-là, et que la climatisation n’est pas fortement développée dans l’hexagone), couplé à une production photovoltaïque importante. À  l’intersaison, la production photovoltaïque plus basse qu’à l’été est compensée par une production éolienne plus élevée sur cette période, ce qui entraîne des niveaux de consommation résiduelle relativement faibles. Les minimums se concentrent pendant les week-ends de printemps, d’été ou d’automne, lorsque la consommation est inférieure par rapport aux jours de semaine. En 2024, le minimum dans la consommation résiduelle a été atteint le samedi 15 juin à 5 heures du matin (15,3 GW), et le maximum a été atteint le mercredi 10 janvier à 19 heures (77,8 GW).

Consommation totale et résiduelle des semaines les plus et moins venteuses en 2024
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Consommation totale et résiduelle des semaines les plus et moins ensoleillées en 2024
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En 2024, la semaine la moins venteuse a été de manière inhabituelle une semaine du mois de novembre, alors que généralement les semaines les moins venteuses ont lieu au cours de l’été. Paradoxalement, la semaine la plus venteuse a aussi eu lieu au cours du mois de novembre, montrant bien les enjeux que présente la filière éolienne du point de vue de la flexibilité inter-hebdomadaire et des besoins de flexibilités dynamiques pour y répondre. Plus classiquement, la semaine la plus ensoleillée a été la deuxième semaine du mois d’août et la moins ensoleillée la première de janvier.

La courbe de consommation résiduelle moyenne horaire de l’année 2024 est demeurée à un niveau similaire à celui de l’année précédente. Deux phénomènes expliquent ce résultat. D’une part, les productions renouvelables de ces deux années ont été très proches (un parc renouvelable plus important en 2024 a contrebalancé des conditions météo moins favorables qu’en 2023- cf. chapitre Production), d’autre part, les consommations totales ont aussi été très proches (même si la consommation corrigée a légèrement augmenté, voir le chapitre Consommation).

Déformation de la consommation totale et de la consommation résiduelle au cours d’un jour ouvré « moyen » au fil des années
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La variabilité des facteurs de charge des énergies renouvelables fatales

Distribution du facteur de charge moyen, entre 2015 et 2024

La production des énergies renouvelables fatales (hydraulique au fil de l’eau, éolien terrestre ou en mer et solaire) varie selon les conditions météorologiques. Cependant l’amplitude des variations dépend de la temporalité à laquelle on l’étudie : plus l’échelle de temps est longue et plus la variabilité diminue. Par exemple, au cours de la dernière décennie, les facteurs de charge (production rapportée à la capacité installée) pour l’éolien et le solaire ont évolué au sein de plages assez restreintes en moyenne annuelle, alors que l’on observe des fluctuations de plus grande ampleur en considérant tous les facteurs de charge demi-horaires au cours de la décennie. En regardant des moyennes par année et par saison, la variabilité est plus élevée que pour l’échelle annuelle, mais bien moindre que celle de l’échelle demi-horaire.

En effet, les différences interannuelles dans les conditions météorologiques sont relativement faibles ; en ce sens, les volumes de production renouvelables annuels sont garantis au sein d’une certaine plage autour du volume moyen annuel pour une capacité installée donnée. 

En revanche, le volume de production instantané des énergies renouvelables peut être variable d’une heure à l’autre ou d’un jour à l’autre, avec des moments dans l’année de forte abondance de production, et d’autres avec une production éolienne et photovoltaïque très faibles. Ce sont des situations normales, prises en compte dans les analyses sur la sécurité d’approvisionnement à court et moyen terme comme le « Passage de l’hiver » ou le « Bilan prévisionnel » de RTE (voir également le focus sur les épisodes de faible production éolienne et solaire dans le chapitre Europe). Cependant, cette variabilité met bien en lumière les enjeux de flexibilité pour le système, à la fois en ce qui concerne la déformation « structurelle » de la courbe de charge (pour répondre à la production « moyenne annuelle ») et en ce qui concerne des adaptations dynamiques de la consommation ou le développement du stockage pour faire face à la variabilité allant de quelques heures à quelques jours.

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L’augmentation du volume d’énergie renouvelable écrêté renforce l’intérêt de développer dès aujourd’hui la flexibilité de la demande

Comme évoqué dans le chapitre Prix, le nombre d’occurrences de prix spot négatifs a très fortement augmenté en 2024, avec 359 heures au cours de l’année (soit 4 % du temps). Il s’agit de plus du double des occurrences de l’année précédente (147 heures).

Les épisodes de prix spot négatifs surviennent généralement lors de moments de faible consommation conjugués à une forte production d’énergie renouvelable, majoritairement les après-midis du printemps et de l’été, ainsi que dans une moindre mesure la nuit. Ils sont plus fréquents le week-end, lorsque la consommation est généralement plus faible qu’en semaine. En moyenne, au cours des années 2023 et 2024, la consommation a été 15% plus faible pendant les heures à prix négatifs que pendant les heures à prix positif ou nul. Parallèlement, la production solaire et éolienne y a été 29 % plus élevée que pendant les heures à prix positif ou nul. Elle aurait même été 83 % plus élevée si une partie de cette production n’avait pas été écrêtée. En effet, lors des périodes de prix négatifs, une part significative des parcs éoliens et photovoltaïques écrête sa production (voir la section « Écrêtement » du chapitre Production).

Profil journalier du prix spot français au cours d’un jour « moyen » en 2024
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En 2024, l'écrêtement total de la production renouvelable en raison des prix négatifs est estimé à environ 1,7 TWh18 (2,4 % de la production annuelle de ces filières), contre 0,6 TWh en 2023. La production éolienne et solaire combinée a été écrêtée en moyenne à la hauteur de 4,5 GW lors des heures à prix négatifs en 2024, contre 3,9 GW en 2023. Les puissances écrêtées maximales ont atteint environ 12 GW en 2024 contre 7 GW en 2023. Cette augmentation résulte d’une part de l’accroissement du parc renouvelable installé (toutes choses égales par ailleurs), d’autre part de l’augmentation de la part des parcs sous complément de rémunération, qui sont financièrement incités à écrêter leur production en cas de prix négatifs.

Distribution des puissances éoliennes et solaires écrêtées lors des heures à prix spot négatifs en 2023 et 2024
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18

Dont 0,9 TWh pour l’éolien et 0,8 TWh pour le solaire.

Des écrêtements de puissances importantes de production éolienne ont lieu en automne et en hiver quand les vents sont les plus forts, mais comme la consommation est généralement élevée en hiver le nombre d’occurrences de ce type d’évènement est faible. La plupart des occurrences d’écrêtements concernent à la fois le solaire et l’éolien, avec une puissance répartie de manière relativement équilibrée entre les filières.

Les leviers pour réduire l’apparition des prix négatifs sont bien identifiés, avec d’une part le développement des flexibilités de consommation et du stockage, et d’autre part la flexibilité du parc du production, qui repose majoritairement sur la modulation du parc nucléaire et hydraulique, mais à laquelle pourront participer de manière croissante les renouvelables, sous réserve que le cadre législatif et réglementaire génère les incitations adéquates.

Puissances moyennes éolienne et solaire écrêtées et nombre d’occurrences par heure à prix spot négatifs en 2024
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